Adila - Entre Ombres et Lumière

Les cicatrices du silence

Ils marchaient en silence, presque à l'unisson, vers l'appartement d'Adila. Le ciel, couvert de nuages gris, reflétait l'ambiance lourde et pesante qui régnait entre eux. Ils habitaient tous dans le même quartier, alors la marche fut brève, mais chacun semblait perdu dans ses pensées. Nadia jetait des regards furtifs à Adila, son cœur se serrant un peu plus à chaque pas. Elle avait toujours vu sa sœur de cœur comme une battante, mais aujourd'hui, elle la sentait fragile, presque brisée.

Adila, quant à elle, marchait comme en pilote automatique. Ses jambes avançaient, mais son esprit était ailleurs, embrouillé par des pensées sombres. Elle était soulagée de ne plus être seule face à ce désastre, mais ce soulagement s'accompagnait d'un immense vide. Tout lui semblait absurde. Les problèmes s'étaient empilés sans qu'elle puisse les contrôler, et elle se sentait lessivée, vidée de toute force.

Rahyana, elle, observait tout cela d'un œil plus spirituel. Son cœur compatissait profondément, mais elle savait que ce genre d'épreuve faisait partie du plan d'Allah. Elle se répétait intérieurement que ces difficultés n'étaient qu'une forme de purification, qu'Allah n'éprouve que ceux qu'Il aime. Cette conviction apaisait un peu son cœur, mais ne la laissait pas indifférente à la
souffrance de sa cousine.

Les parents, eux, réfléchissaient d'une manière plus mature et posée. Ils partageaient les mêmes valeurs religieuses que leur fille Rahyana et savaient que tout cela était un test. Mais ils comprenaient aussi que des décisions importantes devaient être prises. El Hadji le père de Rahyana, en particulier, voyait cette situation comme une responsabilité familiale, une épreuve qu'il fallait affronter avec sagesse.

Quand Adila ouvrit la porte de l'appartement, son visage trahissait une grande fatigue. Elle tremblait légèrement, et tout le monde remarqua à quel point elle semblait affaiblie. Djamila, sa mère, qui était dans la cuisine, sortit aussitôt pour les accueillir. Elle sentit immédiatement que quelque chose clochait. Une visite surprise comme celle-ci n'avait rien de normal. Pourtant, elle sourit et les accueillit chaleureusement, tout en se demandant ce qui se tramait.

— Salam aleykoum, entrez, dit-elle doucement.

— Wa aleykoum salam, répondit le groupe en chœur, avant de s'installer dans le petit salon exigu.

Djamila sentait que quelque chose d'inhabituel pesait sur cette visite. Pourquoi tout le monde venait ainsi, d'un coup ? C'était étrange. Elle se disait que peut-être c'était une simple visite de courtoisie, mais son instinct maternel lui disait que quelque chose se préparait.

Après les salutations et les politesses d'usage, El Hadji se leva légèrement, prenant la parole avec une certaine solennité.

— Djamila, Adila, Marwan, j'aimerais que vous veniez ici, dans le salon. Le reste des enfants peut aller dans leurs chambres pour le moment. Ce que j'ai à dire ne concerne que nous.

Azdin et Keziah, les deux jeunes frères d'Adila, grognèrent en protestant, visiblement contrariés de ne pas pouvoir rester.

— Allez, les garçons, c'est pas pour vous, insista El Hadji avec un sourire bienveillant. Filez dans vos chambres.

Rahyana, quant à elle, hésita un instant, puis se tourna vers sa mère.

— Je vais avec eux, maman, dit-elle doucement. C'est mieux ainsi.

Nadia, soupira et se dirigea vers la chambre d'Adila sans rien dire. Elle avait simplement envie d'attendre, loin de ce drame familial, même si elle sentait son amie au bord du gouffre.

Une fois la pièce libérée des plus jeunes, El Hadji se rassit, joignant ses mains devant lui, le regard grave.

Ils s'installèrent dans le salon, l'atmosphère lourdement pesante. Chacun avait pris place, mais personne n'osait encore parler. Les enfants avaient été envoyés dans leurs chambres, laissant uniquement Adila, Marwan, Djamila, El Hadji, et la mère de Rahyana. Le silence s'éternisait, et seule la respiration lourde de Marwan se faisait entendre.