La fraîcheur de la nuit me frappa dès que je sortis de la maison de Milan, l'air lourd et rempli de confusion. Je marchais plus vite que d'habitude, mes pensées bourdonnant dans ma tête. Nadia était derrière moi, tentant tant bien que mal de me suivre.
« Adi, attends ! » Sa voix résonnait dans la nuit, essoufflée. « Tu vas trop vite, je peux pas te suivre ! »
Je n'avais pas vraiment envie de l'attendre, mais en même temps, je ne pouvais pas la laisser derrière. C'était Nadia, après tout. Je ralentis légèrement, juste assez pour qu'elle réussisse à me rattraper et à me tenir par le bras.
« Lâche-moi, Nadia. » Ma voix était plus sèche que je ne l'aurais voulu.
Elle fronça les sourcils, ne me lâchant pas tout de suite. « Attends, calme-toi. On doit en parler. C'était... intense, mais... »
« Non, Nadia ! » Je me dégageai d'un coup sec, la colère montant en moi. « On n'a pas besoin d'en parler. En fait, tu sais quoi ? C'est de ta faute tout ça ! Si t'avais pas insisté, on ne serait pas venues, et j'aurais pu continuer ma vie tranquillement. »
Elle me regarda, choquée. « Quoi ? C'est ça que tu penses ? Que c'est ma faute ? Sérieusement, Adila ?! Je t'ai forcée à rien, tu voulais des réponses autant que moi ! »
« Non, j'ai pas besoin de réponses. J'ai besoin qu'on me foute la paix ! Si on était restées dans l'ignorance, on n'aurait pas eu à se retrouver dans cette situation ! Maintenant tout est encore plus compliqué ! »
Nadia leva les bras, exaspérée. « T'es vraiment en train de me reprocher d'essayer de comprendre ce qui se passe ? T'as toujours été comme ça, Adi. La reine du stress ! »
Mon cœur s'emballa. « Moi, la reine du stress ? T'es sérieuse là ? Toi, t'es toujours prête à tout pour foncer sans réfléchir ! Si t'avais pas sorti ce couteau, ça aurait pu mal tourner ! »
« Bah au moins, j'ai fait quelque chose ! » rétorqua-t-elle en criant, son visage rouge de colère. « Toi, tu restes là à rien faire, à te morfondre, comme si c'était la fin du monde ! »
On se hurla dessus encore un moment, nos voix résonnant dans le calme de la rue déserte. Honnêtement à ce moment la on en avait besoin. Mais, petit à petit, la colère retomba, et on finit par se calmer. On n'avait pas besoin de se déchirer davantage. En silence, on reprit notre chemin vers chez Nadia.
Chez Nadia, l'atmosphère était étrangement apaisante, malgré ce qu'on venait de vivre. Moi j'était restée dans mon coin, assise sur le canapé, plongée dans ses pensées. Nadia, de son côté, fouillait dans ses affaires avant de revenir vers moi avec une cigarette.
« P2 ? » me proposa-t-elle en levant un sourcil.
Je levai les yeux, légèrement surprise.« P2 ? Y'a plus qu'une clope, hein ? » répondis-je en souriant.
« Ouais, et ça se partage, » dit-elle en souriant malicieusement.
Je pris la cigarette, allumant une première bouffée avant de lui passer.
On resta là, à fumer tranquillement, le silence retombant doucement entre nous. Finalement, Nadia se mit à rire. « Franchement, quand j'ai sorti ce couteau, je me suis dit : "Mais tu vas poignarder qui, Nadia ?!" Il aurait pu me le prendre des mains tellement je le tenais mal. »
Je ne pus m'empêcher de rire. « Franchement, t'as raison. Je me suis demandé aussi à quoi tu pensais ! »
Nadia rigola, puis elle se leva soudainement, attrapa un couteau de la cuisine et commença à mimer comment elle aurait pu planter Milan.
« Regarde, je l'aurais pris comme ça... et bam ! »
Mais en vrai, elle faisait plus de l'escrime que de menacer qui que ce soit. Ça me fit éclater de rire.
« Mais t'es bête, c'est n'importe quoi ! » dis-je, pliée de rire. « Tu ressembles plus à un mousquetaire qu'à quelqu'un de dangereux ! »
Elle reposa le couteau, tout en riant avec moi. Elle revint s'asseoir à mes côtés, et on continua à rire ensemble. Les émotions de la soirée, aussi intenses qu'elles avaient été, s'effondraient enfin, laissant place à un sentiment de soulagement.
C'était dans ces moments-là que je me rendais compte à quel point on comptait l'une pour l'autre. Même si on se prenait la tête, au fond, on était inséparables.
« Je t'aime, tu sais, Adi, » dit-elle, le sourire toujours sur les lèvres.
Je lui rendis son sourire. « Moi aussi, Nadia. »
Le week-end toucha à sa fin, et on essaya toutes les deux d'oublier ce qui s'était passé.
La semaine commença de manière plus légère. Nadia, qui venait rarement en cours ces derniers temps, fit un effort pour récupérer ses cours. C'était l'année du bac, après tout, et même si on n'était pas des modèles de rigueur scolaire, on voulait réussir juste pour clouer le bec à tous ceux qui pensaient qu'on échouerait.
« T'imagines leurs têtes si on l'obtient ? » dis-je à Nadia un matin en riant.
« Je crois qu'ils vont tous tomber de leurs chaises. »
Les jours suivants furent plutôt tranquilles. Je remarquai même que maman avait étrangement plus d'énergie que d'habitude, et elle me dit que je n'aurais pas besoin de l'aider pour le ménage cette semaine. Cela me libéra une partie de l'après-midi, et je finis plus tôt à la supérette. Aymen aussi avait terminé sa journée, et quand je sortis, il était là, m'attendant.
« Hé, Adi, ça te dit un grec ? J'ai du temps libre, on peut y aller. »
Je levai un sourcil. « J'espère que c'est pas un rencard, Aymen. »
Il fit semblant d'être choqué. « Un rencard ? Avec toi ? » Il secoua la tête en riant. « T'es beaucoup trop moche pour moi. »
Je ris à mon tour. « De toute façon, t'es pas mon genre. »
Dans la voiture, il mit du rap à fond, agitant ses bras et se mettant à chanter faux. J'éclatai de rire. C'était vraiment un clown ce mec.
Ça faisait un an qu'on bossait ensemble à la supérette, et même si au début je n'y avais pas vraiment prêté attention, on avait fini par tisser une vraie amitié. Aymen, c'était ce genre de personne toujours prête à aider, toujours souriant. Il était comme un frère pour moi, même si j'essayais de pas trop lui montrer à quel point je tenais à lui.
Quand on arriva au grec, il s'arrêta et fit une révérence exagérée.
« Bienvenue dans le meilleur grec de tout l'univers. »
« Le meilleur ? T'exagères pas un peu là ? »
« Non, je te jure ! C'est LE grec. Tu vas voir. »
À peine entrés, le gérant nous salua comme s'il connaissait Aymen depuis toujours, et bien sûr, c'était le cas. Il le connaissait si bien qu'il se mit à me dévisager, pensant que j'étais sa copine.
« C'est pas ma meuf, c'est juste une pote, » dit Aymen en rigolant. « En plus, à côté de moi elle fait tache. »
Je le frappai doucement sur l'épaule. « Mais ferme-la, toi. »
On continua à se chamailler, comme d'habitude, et au final, Aymen insista pour m'inviter. Je finis par accepter, même si ça me gênait un peu. On s'installa, et comme d'habitude, il fit le show, mangeant comme un gros porc, ce qui me fit éclater de rire.
« Sérieux, tu sais vraiment pas manger proprement, toi ! » dis-je en secouant la tête.
« T'es un vrai dégueu. »« C'est ça qui fait mon charme, ma belle, » répondit-il avec un clin d'œil.
Je me surpris à penser que ça faisait longtemps que je n'avais pas autant ri.
Mais soudain, une voix derrière moi m'interpella.
« Adila ? »
Cette voix, je la connaissais.
Aymen leva les yeux vers la personne qui venait d'entrer. Je me retournai lentement pour voir...
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Adila - Entre Ombres et Lumière
RomanceDans un monde où les responsabilités pèsent lourdement sur ses épaules, Adila, 17 ans, se bat pour tenir sa famille à flot. Aînée de trois frères, elle jongle entre ses études, ses deux emplois et le désespoir silencieux de sa mère, dévastée par l'a...