Entrevue royale

13 4 2
                                    

Le fait de donner un bal juste après la mort du premier Roi était ironique a des sommets encore jamais égalés. Et pourtant cela faisait bien rire la princesse Wendji Oramyr.
Sa mère, la reine Karin, était incorrigible. Chaque fois qu'une occasion se présentait - la mort de son mari n'y faisant pas exception -, elle se jetait dessus pour organiser une fête, un gala de charité, un thé... N'importe quoi qui impliquait qu'un grand nombre de personnes soient rassemblées.
Vouloir se faire bien voir était un trait commun entre sa mère et son père. Sauf que son père était légèrement - légèrement étant le mot clé de la phrase - plus égocentrique que sa mère. Wendji partageait elle aussi la tendance narcissique de ses parents - et elle l'assumait entièrement - même si elle, n'avait pas besoin de bouger le petit doigt pour que la moitié de la cour soit à ses pieds. Et honnêtement même si ce n'avait pas été le cas, Wendji n'aurait rien fait pour le changer. Elle avait assez d'amour-propre pour compenser largement celui qu'on lui donnait. Elle avait construit une muraille de fer autour de son organe inutile appelé cœur et une barrière de métal autour de son esprit. Wendji était née au milieu de la capitale maléfique des goules venimeuse qui se faisait appeler nobles et s'était endurcie pour survivre. Affuté la langue et enfilé son armure était un rituel quotidien avant de rentrer dans la cage au lions qu'étaient sa vie.
Vingt minutes avant l'annonce qu'allait faire sa mère ; Wendji n'attendait que ça.
Wendji promena son regard dans la salle de bal, avec ses énormes vitraux teints qui arrivaient presque au plafond un peu partout dans la pièce. Sur le linoléum de la salle, arrivaient des morceaux de lumière fragmentés éclatant. On aurait cru que quelqu'un avait posé un diamant sur le sol et l'avait éclaté en mille morceaux avant qu'un arc-en-ciel ne vienne vomir dessus
Au nord de la salle, se dressait un piédestal en granit blanc sur lequel était posée la couronne du Roi. Elle ressemblait à un phare bleuté sous les couleurs des vitraux.
Seize minutes.
Wendji vit sa mère près du buffet, un verre de vin rouge à la main, gloussant comme un dindon qu'on égorge, elle avait les joues rosies sous l'effet de l'alcool. Il était connu que la reine était une buveuse invétérée et elle finissait généralement ce genre d'événement allongée sur une table complètement ivre.
Wendji le savait - elle avait plusieurs fois ramené sa mère totalement saoule à sa chambre pendant qu'elle tenait des propos incohérents comprenant des chevaux de course et des hommes nus - elle n'était pas idiote.
Même si tout le monde s'échinait à le penser.
Tous les nobles vampires des septs continents avaient été conviés à la fête de deuil du Roi et on voyait un peu partout des vampires émissaires d'Afrique, d'Orient ou encore d'Amérique. Comment avaient-ils pu tous être informés en moins d'une semaine, seul Dieu le savait. Enfin, la mère de Wendji le savait - et elle avait tendance à se prendre pour une déesse - mais la tenait à l'écart de toutes les décisions politiques. Une chose que Wendji se promettait de changer.
Dix minutes.
- Princesse quel plaisir de vous revoir.
Wendji tourna la tête vers l'homme qui lui avait adressé la parole,
- Sire Xiaoshung, tout le plaisir est pour moi, répondit-elle avec un air faussement enjoué et un grand sourire.
Le prince chinois était un vrai pot de colle, Wendji était certaine qu'il cherchait à l'épouser depuis qu'ils avaient environ deux siècles. Ce qui en âge humain correspondait environ à quatorze ans. Le prince était mignon avec ses cheveux aile de corbeaux et sa mâchoire carré mais il avait le quotient intellectuel d'une poule.
Wendji se leva de son siège pour lui serrer la main mais le prince se jeta sur elle pour la prendre dans ses bras. Wendji se retint très fort de ne pas lui arracher la tête. Car un incident diplomatique était loin d'être ce qu'elle et sa mère avaient envie de gérer après le décès de son père.
Elle se dégagea le plus doucement possible et s'adressa au prince,
- Comment s'est passé votre voyage Xiaoshung ?
- Ennuyeux à se pendre, soupira-t-il, Mais après je pensais à vous et ça allait mieux.
Le prince lui fit un clin d'œil et Wendji eut soudain très envie de lui cracher au visage.
- Vous m'en voyer ravie, acquiesça-t-elle en prenant un ton mielleux, Mais hélas je dois retourner m'asseoir car je souffre de mes menstruations.
Technique imparable que toutes les nobles utilisaient pour congédier les indésirables. Wendji n'aurait pensé s'en servir un jour mais soins le prince n'allait pas la lâcher.
Xiaoshung écarquilla les yeux et déglutit avant de souffler,
- Je vois, je vais me retirer afin de vous laisser vous reposer. A bientôt j'espère.
- De même.
Xiaoshung s'inclina puis disparu au cœur de la fête.
Wendji soupira puis se rassie à sa table. Plus loin, quelques vampires avaient espionné la conversation entre elle et le prince. Les rumeurs iraient bon train après le bal.
Cinq minutes.
Quand Wendji avait dit que tous les vampires avaient été conviés, c'était le cas mais pas seulement. Même les humains du château étaient là.
Son petit endoctriné n'y faisait pas exception.
Elle le voyait près d'un pilier en train de la dévisager.
Dans sa robe sirène couleur nuit sans manches, ses longs gants en laine trouées et ses cheveux prunes attaché en chignon tressé, Wendji était magnifique. Une ensorceleuse de pourpre et de nuit, ça aussi elle le savait, elle possédait un charme dévastateur.
Cependant l'amour et les relations humaines ne l'intéressait pas. Wendji avait d'autre projet en tête et un objectif bien plus grand. Mais elle savait joué le jeu.
Elle était très douée pour le théâtre.
Que les autres pensent donc qu'elle n'était qu'une petite princesse pourrie gâtée, ça lui était égal. C'était même parfait et exactement ce qu'elle voulait. D'ailleurs, les stupides mâles en rut qui avait fait l'expérience de se changement de personnalité lui fichait désormais la paix. Son lavage de cerveau était très efficace.
Ce cher Yohan en était la preuve.
Il la fixait comme s'il ne l'avait jamais vue de sa vie. Il lui serait utile et s'il était persuadé de ne pas la connaître, ça les sauverait tous les deux.
Car Wendji visait le trône. Elle était née pour ça, élevée pour ça, et c'était son objectif ultime.
Elle sourit et prit une coupe de champagne sur la table et la vida d'un trait en riant doucement, vraiment très efficace, se dit-elle.
Les invités pas loin d'elle se retournèrent vers elle et la regardèrent bizarrement. Ils devaient sûrement penser que l'alcool commençait à agir sur elle. Comme si elle pouvait se retrouver à glousser comme ça mère après une seule coupe de champagne.
Deux minutes.
Le regard de Yohan dévia vers une brune de taille moyenne assez banale en robe pêche. Celle-ci moulait ses courbes plutôt généreuses et mettait en valeur le pâle de son teint. Elle discutait avec une rousse - qui elle était une vraie beauté - en robe bustier rouge. Toutes les deux avaient l'air à moitié gênées - à moitié à l'aise dans l'effervescence de la fête.
Yohan rougit violemment en détaillant la brune.
En parfait contraire, tout le sang du visage de Wendji sembla s'évaporer.
Jalousie quand tu nous tiens.
Cet humain avait la princesse des vampires sous les yeux et il bavait devant une humaine de classe moyenne.
Une rage sourde s'empara de Wendji, elle détourna les yeux avant de faire un carnage. Ce petit blond ne perdait rien pour attendre. Elle allait lui faire faire des pompes à moitié nu et lui faire lécher ses pieds. Personne ne l'égalait question apparence. Personne.
Dix secondes.
Soudain la reine prit la parole,
- Peuple vampirique !
Tout la salle se tut.
- C'est une tragédie qui nous réunit ce soir pour pleurer la mort de notre Roi à tous, mon mari. Notre regretté souverain Oswald.
Wendji faillit éclater de rire. Pourquoi devrait-elle pleuré la mort d'un père qui ne lui avait jamais prêté la moindre attention. Qu'elle éloquence mère, railla-t-elle. Son père et sa mère se haïssaient.
Elle lâcha néanmoins une fausse larme pour le spectacle. Car la pièce ne faisait que commencer. Une pseudo-tragédie grecque.
La reine reprit,
- Malgré le fait que nous pleurons mon époux et que celui où celle qui l'a si sauvagement assassiné le regretteras jusqu'à la fin de sa misérable vie. La mort de mon conjoint nous laisse la couronne vacante, et mon poste ne me permet pas de l'occuper. Nous devons choisir un héritier.
La conversation devenait tout de suite bien plus intéressante. Même si tout le monde semblait avoir oublié que Wendji existait. Elle ne pouvait accéder directement au trône seulement parce qu'elle était une femme ? C'était parfaitement ridicule mais Wendji attendait la suite. Un murmure d'assentiment s'éleva dans la foule.
- Nos amis représentant des autres continents nous assisterons dans notre choix. En attendant notre décision, j'assurerai la régence.
Comme par hasard, se dit Wendji acerbe.
- Nous avons trois candidats, continua la reine, Wendji Oramyr, ma fille.
Bien, se dit cette dernière, même si je ne peux hérité de la couronne tout de suite, je suis toujours en lice.
- Mon neveu, Elliot Zéphyr, Karin prit une inspiration fébrile, Et le fils de notre Roi...
Pardon ? Quel fils ? Wendji était enfant unique.
- Lau Givris.
Ce garde qui se permettait de l'ignorer quand elle lui parlait ? Ce roturier dont la mère était en exil ?
Toute la salle se figea. Puis des cris éclatèrent, le chaos commença à se répandre dans la salle de bal. Le prince Xiaoshung la fixa intensément mais Wendji elle regardait son frère.
- SILENCE ! tonna la reine.
Lau qui avait gardé le silence jusque là, explosa,
- Pardon ?! Mon père est mort quand j'avais quatre ans !
La situation était passée de tragédie à comédie en seulement peu de temps.
- Et bien maintenant il l'est pour de vrai, déclara Karin d'une voix atone, Ta mère Navia était servante au palais...
- Je sais très bien tout ça ! siffla Lau.
- Silence ! répéta-t-elle furieuse, Ta mère a eu une relation avec mon mari, je n'ai pas besoin de te faire un dessin de ce qui c'est passé et tu es né. Après ta naissance Navia à été chassée du château et toi avec.
La reine reprit son souffle et continua d'une voix vibrante de colère.
- Tu es revenu au château il y a peu et tu n'es qu'un bâtard mais tu peux tout de même prétendre au trône. C'est la loi. Mais sache que si cela ne tenait qu'à moi, tu te retrouverais la tête plantée au bout d'une pique.
Wendji voyait rouge. Tout ce temps on lui avait menti. Tu pourras accéder au trône facilement, lui avait-on dit, Quelle bonne blague ! Elle devait faire appel à tout son sang froid pour ne pas sauter à la gorge de son frère.
- Vous pouvez allez vous faire voir, tous autant que vous êtes, cracha Lau avant de partir précipitamment de la fête.
Elliot s'en alla à sa suite, ses cheveux blancs volant derrière lui. Ces deux-là étaient toujours fourrés ensemble. Qu'ils aillent se réconcilier mélodramatiquement plus loin.
- Bon, soupira la reine, navrée de cette intervention désagréable. Pour pouvoir gagner la couronne, il faudra faire preuve de courage. Les chasseurs de vampires sont à nos portes, faîtes quelque chose d'utile avec cette information. Impressionnez moi et la couronne sera à vous.
Puis elle partit de façon théâtrale, ses cheveux de la couleur des jeunes pousses et sa robe vert forêt derrière elle.
Elle avait eu la couronne de glace dans la main pendant tout le discours. A présent elle reposait sur un coussin rouge sang sur le piédestal.
Merci mesdames et messieurs d'avoir assister à la représentation ! Nous espérons voir revoir bientôt et mettez une pièce dans le chapeau si cela vous a plu !
Wendji reçut comme une décharge électrique.
C'était sa couronne.
Et elle serait à elle.
Par tout les moyens.

Games of BloodOù les histoires vivent. Découvrez maintenant