Games of Blood

Les jardins

La nouvelle de la mort du Roi se répandit comme une traînée de poudre.
Le corps avait été retrouvé égorgé dans le tunnel végétal, la bouche ouverte dans un cri silencieux.
Les jardins furent passés au peigne fin et le garde qui avait découvert le mort, placé en garde à vue car il avait du sang sur les mains. Au sens littéral du terme. Le pauvre finissait sa garde de nuit et avait fini traumatisé à vie.
Peu de personne retrouvait le corps d'un souverain égorgé à deux heures du matin.
Yohan se trouvait dans les jardins où avait eu lieu le drame. Enfin, drame était un bien grand mot car Yohan s'en contrefichait. C'était juste le plus gros fils de pute des quatres derniers siècles qui était mort comme un chien après avoir anarchie la planète et l'avoir fait régresser, pensait Yohan avec rancoeur.
Il avait été attribué à l'entretien des jardins et devait nettoyer - entre grosses guillemets - le tunnel végétal. Plus spécifiquement l'endroit où le Roi était mort. Car,
- C'est sale et, bien évidemment, ce n'est pas aux vampires de le faire parce que ce serait dégradant, avait déclaré Messire Claus, le frère du Roi, C'est ce qu'aurait voulu mon regretté frère, avait-il ajouté.
Yohan trouvait ça méprisable d'utiliser la soi-disant volonté d'un mort - qui ne pouvait pas en avoir aucune étant donné sa condition - pour son propre profit. Et en plus pour faire faire la sale besogne à d'autres. Il ne souhaitait ça à personne. A part au Roi. Lui, on pouvait bafouer sa mémoire autant que possible. Surtout que Yohan était sûr que le souverain aurait tenu le même discours que son frère.
Le sécateur produisait des bruits répétitifs en coupant les branches du buisson de houx taché de sang. Cela permettait à Yohan de s'évader vers un endroit reculé de son esprit où il vendait encore des petits pains depuis la boulangerie à Sharon, la fille de l'apothicaire. Même s'il était à peu près sûr qu'elle ne connaissait pas son prénom et le voyait juste comme le vendeur de la boulangerie, lui avait toujours craqué pour elle. Pour lui, Sharon ressemblait à une dryade ou une fée avec ses cheveux noirs et ses yeux noisettes.
Yohan se baissa vers le sol pour coupé au ciseaux l'herbe constellée de gouttes de sang derrière le houx.
Au moment du Sacrifice, Yohan avait été mort de peur. Mais il avait cru avoir une crise cardiaque en entendant le nom de son amourette comme dernier sacrifice. Il aurait tellement préféré qu'elle reste en sécurité au village et que lui, pourrait l'oublier de son côté et mourir jeune. Mais apparemment le destin en avait décidé autrement. Yohan se souvenait d'avoir pleuré sur le chemin qui menait au château et que Sharon l'avait vu. Il se souvenait aussi d'avoir eu un peu honte et...
Yohan émit un cri de surprise et se retourna précipitamment. Il chercha celui où celle qui l'avait touché mais il n'y avait personne. Il rigola nerveusement,
- Qui est-ce ? murmura-t-il en espérant secrètement que personne ne répondrait, le cœur au bord des lèvres.
Une silhouette sortit doucement du couvert des arbres.
C'était la princesse Wendji. Yohan l'avait croisé la veille dans les couloirs et avait admiré son apparence comme un vieux pervers. Et il n'avait pas tant honte que ça après coup.
- Votre Altesse, pardonnez mon impolitesse mais que faîtes vous ici ? Les jardins sont sous périmètre clos à cause du regrettables événement d'hier soir et seuls les employés sont autorisés à s'y rendre, annonça-t-il doucement.
Dix-sept ans à parler à des clients exigeants- soit parce que le pain était trop cuit soit qu'il séchait trop vite et blablabla - servait lorsque l'on devait parler à une princesse.
La princesse ne dit rien, elle continuait d'avancer vers lui en silence jusqu'à se retrouver à moins d'un mètre de lui.
D'un coup, Yohan se mit à angoisser. Que voulait-elle ? Pourquoi s'approchait-elle de lui ainsi ? Il doutait que ce soit pour faire la conversation.
- Votre Altesse, souffla-t-il.
La respiration de Yohan se bloqua dans sa poitrine. Une gigantesque main d'ombres violacées était pressée contre sa carotide. Il respirait avec difficulté, un étau lui enserrait la poitrine et des points blancs dansaient devant son champ de vision.
Les pupilles laiteuses et rouges de la princesse le fixèrent. Yohan se sentit soudain planer dans l'espace, comme si son esprit quittait son corps. Il commençait à étouffer.
Une voix entraînante et envoutante s'éleva dans les airs. Yohan n'aurait pas été étonné si un démon lui proposait de vendre son âme avec cette voix là.
Mais soudain il ne put plus penser du tout.
- Tu n'écouteras que moi, tu m'obéiras, tu me protégeras.
Yohan se surprit à répéter cette phrase comme une prière.
- Il ne s'est rien passé ici et tu ne m'as jamais rencontré. Jure-le.
- Je... le jure, Yohan avait la tête qui tournait et envie de vomir.
Tout à coup, Wendji disparue.
Yohan vomit alors de toute sa force dans le buisson.
Il se releva et... Mais ?
Ne venait-il pas de le nettoyer ?