LA SOIRÉE DES REPROCHES !

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La soirée caritative des Johnson battait son plein, et le grand salon du manoir familial résonnait des rires mondains et du tintement des coupes de champagne. Tout était parfait en apparence : les invités, triés sur le volet, discutaient avec animation sous les lustres scintillants, les serveurs glissaient parmi eux, portant des plateaux d'amuse-bouches, et un quatuor à cordes jouait des mélodies douces en arrière-plan. Mais, au cœur de cette élégance feutrée, une tension palpable flottait dans l'air.
Lauren et Nayman ne s'étaient pas revus depuis le retour de ce dernier à New York. Les jours qui avaient suivi son arrivée avaient été marqués par un silence lourd, chacun d'eux trop craintif pour faire le premier pas. Pourtant, ce soir-là, ils n'avaient plus d'échappatoire. Les regards se croisaient, les non-dits bouillonnaient sous la surface, prêts à exploser à tout moment.
Ils s'étaient retrouvés face à face près du grand escalier, loin des regards curieux, mais dans le champ de la lumière crue de la réalité. La soirée était censée célébrer la générosité et l'unité, mais ce fut tout autre chose pour eux.
« Pourquoi es-tu venu ? » demanda Lauren, sa voix tremblante, un mélange de colère et de désespoir.
Nayman la regarda avec une intensité qui la fit frémir. « Tu penses que j'avais le choix ? Je ne pouvais pas éviter ça éternellement, Lauren. Mais maintenant que je suis là, dis-moi, qu'attendais-tu de moi ? Que je fasse semblant ? Que je te pardonne tout, comme si de rien n'était ? »
Les reproches fusèrent. Chacun exprimait sa douleur, sans filtre, sans retenue. Nayman accusait Lauren de l'avoir laissé seul dans sa détresse, de ne pas comprendre la souffrance qu'il ressentait chaque jour depuis la mort de Mentissa. Il la blâmait de vouloir tourner la page trop vite, comme si tout pouvait redevenir normal. « Tu veux que je sois heureux ? Tu veux me voir sourire alors que tout ce que je ressens, c'est cette douleur insupportable ? » lança-t-il, le regard noir.
Lauren, de son côté, lui reprochait son absence, son silence, sa manière de la tenir à distance quand elle n'avait jamais cessé de l'aimer. « Je n'ai jamais voulu te voir malheureux, Nayman ! Mais tu refuses de me laisser t'aider. Tu te complais dans ta douleur, et tu rejettes tous ceux qui veulent t'en sortir ! »
Les mots étaient durs, tranchants comme des lames. Les émotions qui bouillonnaient en eux éclataient enfin, révélant l'ampleur des blessures qu'ils s'étaient infligées. Mais derrière cette colère, il y avait aussi une vérité plus profonde : une peur inavouée de ne plus jamais se retrouver, de ne plus pouvoir réparer ce qui avait été brisé.
Alors que la soirée continuait autour d'eux, ils étaient désormais au centre d'une tempête qu'eux seuls pouvaient voir. Leurs voix s'éteignirent, laissant place à un silence lourd de conséquences. Ni l'un ni l'autre ne savait comment sortir de ce gouffre. Finalement, Nayman fit demi-tour, laissant Lauren seule, ses mains tremblantes de rage et de désespoir.
Pendant ce temps, Monica et Greco, habitués à ce que la maison Johnson soit un foyer de créativité, se sentaient perdus. La mort de Mentissa les avait tous affectés, mais cela avait eu un impact direct sur leur art. Leur muse, cette source d'inspiration qui avait autrefois illuminé leur travail, s'était éteinte. Greco, d'habitude si prolifique, se retrouvait devant des toiles blanches, incapable de peindre quoi que ce soit qui ne soit pas teinté de tristesse. Monica, quant à elle, avait perdu l'envie de créer, de concevoir, comme si son énergie avait été aspirée par le chagrin ambiant. Cette impasse créative les attristait profondément, et ils craignaient que cet état devienne permanent.
Lauren, après la confrontation avec Nayman, était en proie à un mélange de colère et de confusion. Elle ne pouvait pas supporter de rester seule avec ses pensées cette nuit-là. Elle décida de sortir, de faire quelque chose d'imprévu. Elle accepta une invitation à dîner, pas de n'importe qui : Thomas, le meilleur ami d'enfance de Nayman.
Thomas était tout ce que Nayman n'était plus : léger, charmant, et surtout, il avait une manière de la faire sourire malgré la douleur. Ils s'étaient retrouvés par hasard quelques jours plus tôt, et Thomas, comprenant la situation, avait doucement proposé de passer du temps ensemble pour changer ses idées. Lauren avait d'abord hésité, mais ce soir-là, elle avait besoin d'échapper à sa propre réalité.
La soirée avec Thomas fut à la fois un réconfort et une nouvelle source de complications. Ils avaient partagé des souvenirs, ri de vieilles anecdotes, et pour un moment, Lauren avait presque oublié ses tourments. Mais au fond, elle savait que cette nouvelle complicité risquait de compliquer davantage les choses. Thomas et Nayman étaient comme des frères, et elle se demandait ce que Nayman penserait de cette proximité soudaine.
La soirée se termina sur une note douce-amère. Alors que Lauren rentrait chez elle, elle se sentait à nouveau perdue. Rien ne semblait aller dans la bonne direction. Nayman la détestait pour ce qu'il pensait qu'elle représentait : un obstacle à son deuil, et maintenant, elle venait peut-être de franchir une ligne en se rapprochant de Thomas.
La nuit new-yorkaise étendait son voile sur la ville, cachant les larmes que Lauren ne pouvait plus retenir. Derrière elle, les lumières du manoir Johnson s'éteignaient une à une, symboles de cette soirée qui s'était si mal terminée. Et devant, un chemin incertain s'étirait, semé d'embûches et de choix difficiles, où chaque décision semblait porter en elle les germes d'une nouvelle confrontation.

FOLLE DE DÉSIR TOME 3 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant