FALLON

C H A P I T R E 33

SETH
2085, District Nexus

J'ai le regard rivé sur un point invisible devant moi, les yeux écarquillés. Je ne cherche pas à comprendre et ouvre la porte. Dans la précipitation, je donne un léger coup d'épaule à Ery, mais ne m'en rend pas compte. Je suis trop focalisé sur cette voix. C'est la sienne, j'en suis sûr et certain, pourtant, elle semble si inanimée, vide d'émotions. Elle ne sonne pas comme d'habitude.

Le claquement de la porte après moi fait sursauter deux jeunes femmes. Mes yeux se posent d'abord sur l'inconnu au crâne complètement rasé qui me dévisage presque avec horreur avant de me tourner vers elle. Vénus. Ses yeux sont marqués par des cernes et elle semble amincie depuis la dernière fois que je l'ai vu. Ses cheveux sont atrocement courts, cependant pas autant que l'autre, et ils portent toujours ce rouge flamboyant qui la caractérise tant. Je ne la reconnais plus, elle semble si... faible. Il n'y a plus cette lueur pétillante dans son regard et dans son attitude qui fait d'elle ce qu'elle est. C'est comme si on lui avait volé son âme.

- Encore vous ! s'exclame mon amie en se mettant soudain sur ses gardes.

Malgré mon masque, elle doit me reconnaître de la dernière fois, quand elle était encore à Watts Corp.

Je m'approche, mais elle recule automatiquement, attirant l'attention de sa camarade qui commence elle aussi à s'agiter. Pourquoi ne pouvait-elle simplement pas être seule ?

- Venus...

- Ne m'appelez pas comme ça, je suis 17854.

J'écarquille les yeux alors que mon cœur se serre. 17854. Ils l'ont réduit à une simple série de chiffres. C'est des conneries, ils lui ont vraiment bien lavé le cerveau. Je ne sais pas comment ils ont fait pour que leur vaccin soit aussi efficace, mais les Watts doivent être fiers d'eux.

Je sens une main se glisser sur mon épaule et suis surpris de découvrir Zedkiel. Je plante à nouveau mon regard dans celui de ma meilleure amie - s'il reste encore quelque chose d'elle étant donné qu'ils lui ont pris toute conscience.

- On devrait appeler la sécurité, intervient l'autre personne qui nous dévisage avec effroi. C'est eux qui t'ont agressé la dernière fois, 17854 ? demande-t-elle ensuite à Venus.

Sa voix fait écho à celle d'un robot et c'est ce qu'elles sont devenues au final. Pour le moment, il n'y aucune trace de leur âme ou d'une quelconque humanité à part leur apparence.

- Seth, faut qu'on se dépêche, il ne nous reste plus beaucoup de temps !

Je ne détourne pas le regard de Venus et de ses yeux aussi noirs que les ténèbres. J'ai envie de la serrer dans mes bras, mon cœur crie de le faire, mais ce n'est pas encore le temps des retrouvailles, ma conscience le sait bien.

Alors que je récupère le sédatif qu'Olympe me tend, la camarade de mon amie s'agite un peu plus. Elle doit sentir qu'il se passe quelque chose et qu'elle doit y mettre fin. Je comprends alors qu'elle s'apprête à hurler. Je me précipite vers elle pour couvrir sa bouche de ma main. Elle se débat de toute ses forces en poussant des grognements presque inhumains, mais je ne la lâche pas.

- Lâche là !

Venus me saute dessus et je me retrouve à devoir gérer les deux jeunes femmes qui ne cessent de m'assaillir de coups. Qui a dit qu'une femme était innofensive ? Croyez-moi, c'est tout sauf le cas ! Bien au contraire...

- Un coup de main ne serait pas de trop, me plaigné-je auprès des autres après avoir reçu un coup de plus à l'arrière du crâne de la part Venus.