Cette année, un grand changement avait eu lieu à l'université : un programme d’aide pour les étudiants en difficulté financière avait été mis en place. Le Crous avait fait appel à des professeurs pour identifier et soutenir les élèves qui avaient besoin d’un coup de pouce. Étant orpheline, je rentrais automatiquement dans ce programme, ce qui m'a permis de rencontrer Monsieur Diba, un de mes professeurs de biologie.
Monsieur Diba était dans la quarantaine, avec un teint bien marron et une attitude rassurante. Je ne savais pas s’il était marié, mais il était très aimable et attentionné, toujours prêt à écouter. Il me considérait presque comme sa fille et répétait souvent : « Si tu as le moindre problème, viens me voir, Fa. Je ferai de mon mieux pour t’aider et t’orienter. » Cela me touchait profondément, car il semblait comprendre mes difficultés sans que je n'aie à en dire trop, il m’encourageait à rester concentrée sur mes études.
En parallèle, Malick, avec qui j’avais sympathisé au début de l’année, s’était montré amical, mais les choses avaient changé. Il ne cessait de me parler de sa copine du lycée, et à chaque fois qu’on travaillait ensemble, il me répétait que je lui rappelais cette fille. Ses commentaires, bien qu’innocents, m’ont poussé à prendre un peu mes distances. Je me suis donc à nouveau focalisée sur mes études, bien que la charge de travail me paraisse de plus en plus insurmontable. La faculté de médecine était un défi bien plus grand que ce à quoi je m'étais préparée. Chaque jour était une épreuve, et parfois, je me demandais si j’allais tenir le coup.
Mais la plus grande pression ne venait ni de mes cours ni de mes problèmes financiers. Elle venait de chez moi, de ma mère. Elle m'appelait presque tous les jours, toujours avec la même question : « Fa, la bourse est sortie ? Envoie-moi un petit montant dès que tu la reçois. » Elle ne cessait de me rappeler nos difficultés, me pressant d’envoyer de l’argent dès que possible. Mais ce n’était pas tout. Elle me disait aussi, presque à chaque appel : « Ma fille, prends soin de toi, maquille-toi, habille-toi bien. Là-bas, tu vas peut-être rencontrer un homme riche qui pourra te marier et nous sortir de cette galère. » Pour ma mère, l’université n’était pas un endroit pour réussir académiquement pour les filles modeste comme moi mais plutôt un lieu où je pourrais utiliser mes atouts physiques pour attirer un homme capable de changer notre vie.
Elle ne croyait pas vraiment que mes études allaient me mener à la réussite. Selon elle, le cursus de médecine était bien trop long, et coûteuse. Chaque fois qu’elle me disait cela, je ressentais un mélange de tristesse et de frustration. Pourquoi ne comprenait-elle pas que je voulais réussir par moi-même, grâce à mes études ? Mais plus elle répétait ces mots, plus ils s’immisçaient dans mon esprit, me détournant de mes objectifs. Je commençais à douter. Peut-être que ma mère avait raison ? Peut-être que mes efforts ne mèneraient à rien ? Cette pression constante qu’elle me mettait me rendait de plus en plus triste, et je remarquais que cela affectait ma concentration en classe. Au lieu de me plonger dans mes révisions, je me retrouvais souvent à penser à ses paroles, à ces attentes irréalistes qu’elle avait placées sur mes épaules.
Ma mère, depuis cette discussion avec sa cousine, est obsédée par l’idée que je rencontre un homme riche à la fac. Elle ne cesse de me le répéter, comme si c’était ma mission, et je sens cette pression croître de jour en jour. Ce n’est pas seulement un désir passager, c’est devenu une véritable obsession pour elle.
Il faut dire que, là où je vis, à la cité, ce genre de choses est connu. Lorsque je ne rentre pas les week-ends chez ma mère, je reste à la résidence et j'observe les va-et-vient. On y voit souvent des voitures somptueuses défiler, des véhicules de luxe qui ne passent pas inaperçus. Parfois, ce sont des hommes toujours élégants, qui viennent là-bas accompagnés de leur chauffeur puis, peu de temps après, des étudiantes, toujours belles et impeccablement habillées, sortent de la résidence pour monter dans ces voitures et disparaître pour la soirée. On sait qu’elles vont dîner dans des restaurants chics, qu'elles fréquentent des endroits où la plupart d’entre nous ne mettront jamais les pieds.
Heureusement, toutes les étudiantes ne sont pas dans ce mood, loin de là. Il y a aussi celles qui, comme moi, préfèrent se concentrer sur leurs études, même si les tentations sont là. Mais cette réalité n’échappe à personne. C’est comme une atmosphère silencieuse qui plane sur la cité, un secret que tout le monde connaît mais dont personne ne parle ouvertement. On comprend vite ce qu’il se passe, mais chacun fait son choix, en silence.
J’essayais de ne pas y penser, de me concentrer sur ce que je pouvais contrôler. Les journées étaient interminables, les cours exigeants, et les attentes, écrasantes. Pourtant, je savais que je n'avais pas d'autre choix que de persévérer.
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Chronique de Fa, L'étudiante
RomanceFa, l'étudiante Fa est une jeune femme déterminée venant des quartiers modestes de la banlieue de Dakar. Elle a toujours rêvé de devenir médecin, un rêve qui semblait lointain dans son petit appartement exigu où elle partageait ses journées entre ét...