Le poids du silence

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J'étais hospitalisée à l'hôpital Fan, juste à côté de l'université. Lorsque j'ai enfin pris conscience de mon environnement, j'ai eu du mal à saisir où j'étais. Les murs blancs, l'odeur désinfectante et les bruits des machines m'entouraient, me plongeant dans un état de confusion.

Après une série d'examens et de questions qui m'avaient épuisée, j'ai reçu la visite de mon mentor, M. Badiane, accompagné d'un interne qui s'occupait de moi. Leurs visages sérieux ont renforcé mon inquiétude.

« Les nouvelles ne sont pas bonnes, » a déclaré M. Badiane, son regard empreint de préoccupation. «Fa, tu souffres de déshydratation, d'une carence en fer, de fatigue intense… et surtout, Fa tu fais un burnout. »

Un burnout ? Ce mot résonnait dans ma tête comme un coup de tonnerre. J'avais toujours pensé que cela n'arrivait qu'aux autres, à ceux qui négligeaient leur santé. Mais maintenant, je comprenais que la pression académique et les défis personnels avaient eu raison de moi.

M. Badiane a pris un moment pour s'asseoir près de mon lit, et son expression a changé. « Fa, tu sais, la santé mentale est tout aussi importante que la santé physique. Les étudiants comme toi sont souvent poussés à performer, à exceller, mais ils oublient de prendre soin d'eux-mêmes. »

Ses mots résonnaient en moi. J'avais été tellement concentrée sur mes études, les notes, les examens, que j'avais négligé les signaux que mon corps m'envoyait. La fatigue, l'anxiété, le stress, je pensais que c'était simplement le prix à payer pour réussir dans un domaine aussi exigeant que la médecine.

M. Badiane a poursuivi : « Trop de mes étudiants souffrent en silence, pensant que demander de l'aide est un signe de faiblesse. Mais en réalité, c'est l'inverse. Avoir le courage de reconnaître sa douleur et de chercher de l'aide est un acte de bravoure. »

J'ai alors pensé à toutes les fois où j'avais repoussé mes limites, à toutes les nuits sans sommeil passées à étudier, à la pression constante de réussir non seulement pour moi, mais aussi pour ma mère. Chaque échec, chaque déception semblait me plomber un peu plus. Je réalisais maintenant que je n'étais pas seule à ressentir cela, mais je n'avais jamais eu le courage de l'admettre.

M. Badiane, soucieux, a contacté mon oncle. « Bonjour, je suis le professeur de Fa et son mentor à l'université. Fa a eu un petit accident. Pourriez-vous dire à sa mère qu'elle doit venir à l'hôpital Fan ? Elle a eu un malaise, mais pas de panique, elle va mieux. Je suis avec elle présentement, » a-t-il dit avec douceur. Son intention était claire : rassurer ma mère tout en lui faisant comprendre l'urgence de la situation.

Amina, quant à elle, m'a apporté une soupe de chez Mère Fatou, une cuisinière dont les plats étaient connus pour réconforter les étudiants. Je savourais chaque cuillerée, réalisant à quel point j'avais négligé mes besoins fondamentaux. En dégustant cette soupe, je me suis rappelée que prendre soin de soi n'était pas un luxe, mais une nécessité.

M. Badiane a pris soin de moi comme un père. Il avait même acheté mes médicaments. En parallèle, l’interne, bien que séduisant, affichait un sérieux qui me ramenait à la réalité. « Mademoiselle Ndiaye, » a-t-il dit d'une voix calme, « vous êtes en première année de médecine. Pourquoi n’avez-vous pas appliqué vos cours sur votre santé ? Les besoins fondamentaux de l'être humain : boire, manger, dormir, s'aérer... »

Il avait raison. J’étais censée être en mesure de gérer ma santé, mais je m'étais laissée submerger par le stress. « Les étudiants négligent souvent leur santé mentale, » a-t-il ajouté. « Pourtant, elle est aussi essentielle que la santé physique, peut-être même plus. Le stress accumulé peut mener à des conséquences graves. Vous devez apprendre à écouter votre corps et votre esprit. »

M. Badiane, avec une voix empreinte de compassion, a poursuivi : « Fa, avec toutes les épreuves que tu traverses, pourquoi n’es-tu pas venue me voir ? Je suis ton mentor, et tu es comme une fille pour moi. »

À ce moment-là, mes yeux se sont remplis de larmes, et les mots m'ont échappé. J'avais tant de choses à dire, tant de raisons de demander de l'aide. Le poids de ma souffrance m'écrasait, mais à cet instant, je savais que je n'étais pas seule et que le chemin vers la guérison commençait par admettre mes limites.

Les échanges avec M. Badiane et l'interne m'ont fait prendre conscience de l'importance de prendre soin de ma santé mentale, de chercher du soutien lorsque cela était nécessaire. Je réalisais que, tout comme j'avais appris à traiter les blessures physiques, je devais apprendre à soigner mon esprit. C'était un combat que je ne devais pas mener seule, et je savais maintenant qu'il était temps d'apprendre à demander de l'aide mais aussi à penser à mon épanouissement comme on dit en wolof "ndieurigne lo fekké".

Il faut que je puisse renaître de cette expérience.

Chronique de Fa, L'étudianteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant