La bourse était enfin arrivée. Une nouvelle vague de soulagement s’abattait sur tout le campus. On pouvait presque sentir l’atmosphère changer autour du restaurant universitaire, où une bande de camarades de médecine, moi incluse, s’était retrouvée pour célébrer à sa manière ce moment tant attendu.
Assise à la table avec mes amies, chacune y allait de ses plans pour cet argent durement gagné. Aissatou, celle qui voyait toujours grand, annonça :
« Moi, c’est décidé, je vais me lancer dans le commerce. »
« Le commerce ? » répéta une autre, curieuse.
« Oui, mon père m’aide déjà beaucoup, alors l’argent de la bourse, je vais l’investir. Je vais acheter et revendre des produits de beauté, des parfums. Et qui sait, peut-être que je pourrais même agrandir ça avec le temps. »L’idée de voir Aissatou jongler entre les cours de médecine et un business parallèle nous fit sourire, mais au fond, son ambition forçait l’admiration.
Amina, elle, était plus pragmatique :
« Moi, je vais épargner. Qui sait ce qui peut arriver ? En cas de pépin, je préfère avoir un petit matelas de sécurité. »À ce moment-là, toutes les têtes se tournèrent vers moi. La grande question planait dans l’air : qu’allais-je faire de ma bourse ?
Dans ma tête, c’était clair : je devais envoyer une partie à ma mère, avancer le loyer pour trois mois et, si possible, m’acheter quelques habits. Mon jean préféré était troué, et la dernière fois que j'avais fait du shopping, c'était probablement à l'époque des dinosaures.Mais évidemment, devant mes camarades, je ne pouvais pas exposer ces plans si... banals. Alors, tout en gardant un air détaché, je lâchai :
« Oh, je ne sais pas encore... Je vais réfléchir. »Le mensonge flottait à la surface, mais le pire était encore à venir. Alors qu’on continuait de discuter, une de mes amies lança :
« Fa, tu devrais vraiment songer à changer ta garde-robe. Tu fais trop... vieillot. Il faut te mettre en valeur, qui sait, un jeune médecin pourrait tomber sous ton charme ! »
Tout le monde éclata de rire.Et c’est là qu’Amina, avec son éternelle sincérité, ajouta sans penser à mal :
« De toute façon, Fa n'aime pas trop s’habiller, pourtant sa mère habille les dames de chefs d'État. »Je ne sais pas ce qui m’a pris à ce moment-là, mais j’ai littéralement avalé de travers. Ma gorge se serra, et je me mis à tousser violemment.
Ma mère ? Habiller des dames de chefs d'État ? Mon Dieu, Amina faisait référence à ce mensonge que j'avais raconté chez elle, histoire de ne pas paraître... moins qu'elle. En réalité, ma mère vendait des friperies, et encore, son commerce était en faillite. Mais dans un moment de panique, devant les regards curieux des gens et les dorures de la maison d’Amina, j’avais inventé cette histoire.Alors que je toussais, mes amies, affolées, s’étaient précipitées sur moi :
« Fa ! Bois de l’eau ! Tu vas étouffer ! »
« Ça va ? Calme-toi, respire ! »Le restaurant était bruyant, et heureusement, personne n’avait vraiment entendu la fin de la phrase d’Amina à part moi. Mon cœur battait à toute allure. Je n’arrivais pas à croire que j'avais failli être démasquée.
Une fois que le calme revint, je ne pus m'empêcher de me dire :
« Jusqu’à quand je vais traîner ce mensonge ? Punaise... »Mais bon, pour l'instant, je devais gérer la situation comme je pouvais, sans éveiller trop de soupçons.
En retournant à l’appartement avec Amina, tout semblait normal. Elle était à mille lieues de se douter que ses paroles avaient failli déclencher un désastre. De mon côté, je continuais de sourire, mais au fond, je savais que la vérité finirait par éclater. Il fallait juste que je trouve le bon moment pour lui dire. Mais comment expliquer à Amina que j’avais menti, simplement parce que je me sentais illégitime dans son monde ? Je ne voulais pas qu'elle me voie comme une menteuse, ni qu’elle pense que j’essayais de me donner un statut.
Ce soir-là, allongée dans mon lit, je me répétais qu’il faudrait absolument que je dise la vérité à Amina. Elle méritait de savoir que ma mère n’était pas la grande commerçante que je lui avais décrite. Mais comment le faire sans ruiner notre amitié ? Voilà la question.
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Chronique de Fa, L'étudiante
RomanceFa, l'étudiante Fa est une jeune femme déterminée venant des quartiers modestes de la banlieue de Dakar. Elle a toujours rêvé de devenir médecin, un rêve qui semblait lointain dans son petit appartement exigu où elle partageait ses journées entre ét...