Une pression silencieuse

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Les partiels approchaient à grands pas, disons qu'on était à 48h des examens et avec les filles de ma classe, Amina et les autres, nous avions décidé de réviser en groupe. Nous allions souvent à l'ESP, et y restons tard la nuit, vraiment tard. Franchement, on aurait dit des sado-masos, tellement on s'infligeait cette souffrance. Nos visages fatigués ne mentaient pas, et la lassitude se lisait dans chacun de nos gestes.

Personnellement, j’étais au bout du rouleau, et la pression liée à la situation de ma mère n'arrangeait rien. Un soir, vers 22 heures, alors qu’on révisait à l’ESP, j’ai décidé de l’appeler pour prendre de ses nouvelles.

— Allô, yaye, cava? Namenala? 
— Ah Fa, ma fille! Je commençais à m'inquiéter pour toi, tu vas bien? 
— Oui, yaye, j’étais en cours, c’est pour ça que je n’ai pas pu te répondre plus tôt. 
— Ah, d'accord. Mais Fa, ici à la maison, rien ne va. Je me suis encore disputée avec la femme de ton oncle, tante Coumba. Elle n’a aucun respect. Elle me fait comprendre que je suis de trop dans cette maison.

Je l’écoutais, impuissante. Ma mère continua :

— Mais cette maison appartient à notre père, donc à nous tous. Pourtant, ta tante agit comme si c’était celle de son mari. Même ta grande-mère reste silencieuse, elle ne prend jamais mon parti. Elle me dit d’accepter tout ça en silence pour ne pas faire de vagues. Mais aujourd’hui, ta tante a dépassé les bornes. Elle m’a dit que je ne servais à rien, m'a traitée d'aigrie. Puis, elle a dit que j'ai un bon à rien à l'université, que pendant que d’autres filles trouvent des appartements pour leur mère, toi, tu restes à la fac sans rien faire.

— Mais Fa, ne t'en fais pas, je lui ai bien remis à sa place. Je lui ai dit que c'est toi qui m'entretiens...

Mon cœur se serra. Comment pouvait-elle dire ça? Ma mère pleurait en me racontant tout ça. Elle disait que la situation devenait insupportable et que sa tension était montée en flèche.

Je ne pouvais même pas lui dire que je ne dormais presque pas, que je ne mangeais pas, que les révisions me prenaient tout. Cette pression familiale allait finir par m’achever, j’en étais certaine. Ma mère pensait que je vivais ma meilleure vie à l’université. Elle ne savait pas que je me privais pour elle. Walahi, avec ma bourse, je lui avais donné la moitié. Je lui avais même acheté un téléphone neuf.

Je n’en pouvais plus. En plus de tout ça, je devais supporter en silence, car le mensonge que j’avais construit auprès d’Amina et Binette sur ma "famille parfaite" m’empêchait de me confier. J’avais souvent hésité à tout raconter à Amina, car je savais qu’elle était une bonne conseillère. Mais à chaque fois, je me retenais. Je ne pouvais pas me permettre de révéler la vérité.

Ce soir-là, après avoir raccroché, j’ai décidé de rentrer. Je ne me sentais pas bien, la révision pouvait attendre. Amina l’a tout de suite remarqué.

— Fa, lou khew? Ça va? On dirait que tu as pleuré. 
— Non, Amina, t’inquiète. C’est juste un mal de tête.

— Viens, on rentre. Je ne te sens pas bien, ça ne sert à rien de forcer.

À cet instant, je me suis effondrée dans ses bras. Elle croyait que c’était à cause de mon mal de tête. Elle m’a proposé de me donner du paracétamol. Dans ma tête, je pensais : Ah Amina, si tu savais ce que je subis en silence... J’aurais tellement aimé avoir ta vie, simple et sans cette pression constante. Mais je me suis tue. Je ne pouvais pas lui dire. Après tout, elle n’était pas censée connaître ma vie.

Chronique de Fa, L'étudianteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant