Après le départ de ma mère, le médecin est revenu me voir, cette fois avec un sourire rassurant.
— Mademoiselle Ndiaye, dès demain vous pourrez sortir, mais à une condition : me promettre de vous reposer, de prendre vos médicaments et de bien prendre soin de vous.
Ces mots m’ont soulagée d’un poids immense, même si la fatigue restait là, tapie au fond de moi, lourde et pesante. J’ai laissé échapper un soupir, essayant de me convaincre que tout irait bien, mais l’angoisse ne me quittait pas vraiment. La peur me nouait l’estomac. Dans mon pays, le moindre signe de fatigue mentale attire des regards suspicieux. Que penseraient les gens ? Mes tantes, mes cousins, ceux que je croiserais dans le quartier, et même peut-être mes propres parents… Dans leurs yeux, ne lirais-je pas ce jugement si rapide ? « Elle est fragile… peut-être même un peu folle… ».
Le lendemain matin, avant même que ma mère n’arrive, la chambre s’est remplie de voix familières. Amina, Malick et plusieurs camarades de classe sont entrés en groupe, ramenant avec eux un souffle d’énergie et de chaleur. Leurs sourires et leurs regards bienveillants m’ont fait du bien, même si, au fond, je sentais une petite douleur en pensant à tout ce que j’avais manqué pendant les derniers jours de partiels. Les vacances approchaient, et ils parlaient tous de leurs projets avec un enthousiasme contagieux. Monsieur Badiane est aussi venu me rendre visite, son regard bienveillant et son ton habituel, rassurant. Binette est passée également, main dans la main avec son Issa, et leurs éclats de rire avaient quelque chose de rassurant et de doux.
J’ai reçu tant de visites, de marques d’affection et de petits cadeaux que je me sentais enveloppée d’une bienveillance sincère. Chacun de leurs gestes me rappelait que j’étais entourée, que je comptais pour eux. Cette chaleur me faisait du bien, même si une partie de moi restait en retrait, inquiète.
Avant de partir, le médecin est revenu pour me faire signer les papiers de sortie. Il a pris soin de rappeler à ma mère que j’avais besoin de repos total, loin des cahiers et de tout stress. J’ai hoché la tête, même si, en réalité, je savais que j’aurais peu de contrôle sur ce qui m’attendait une fois dehors.
Pour que je me repose, ma mère et mon oncle ont décidé de me ramener chez mon grand-père, où mon oncle Saliou vit avec sa famille. Mais avant, un détour s’imposait : nous devions récupérer mes affaires à l’appartement. C’était la première fois que ma mère et mon oncle le voyaient, et je sentais en eux un mélange de curiosité et d’appréhension. En franchissant la porte, leurs yeux ont parcouru chaque détail, leur expression oscillant entre admiration et surprise.
— Ah, Fa, machallah, vous êtes vraiment bien ici, a soufflé mon oncle, impressionné.
— Tout ça, c’est Amina, tonton. Son père s’est chargé de la déco et de l’aménagement pour nous.
Je voyais dans leurs regards une fierté qu’ils ne disaient pas, mais qui se ressentait, une sorte de soulagement aussi, peut-être, de voir que je n’étais pas complètement seule.
L’appartement était rempli de souvenirs : les soirs d’études tardifs avec Amina, les fous rires partagés avec Binette autour de repas improvisés. Chaque objet, chaque détail de la décoration, me rappelait un instant de liberté, de ces jours où, malgré le poids des cours et des examens, j’avais réussi à me créer un petit cocon de tranquillité. Cet appartement, c’était mon refuge, mon premier espace à moi, un lieu où j’avais appris à me débrouiller, à m’écouter, à faire face aux nuits sans sommeil et aux matins de réussite. L’idée de le quitter… de le laisser derrière moi… c’était comme abandonner une partie de moi-même.
Avant de partir, j’ai pris un moment pour dire au revoir à Amina et à Binette. Je les ai serrées dans mes bras comme on étreint des souvenirs, des rires, des confidences échangées au milieu de la nuit. Amina, Binette… elles faisaient partie de moi, de cette vie où j’avais appris à être moi, loin de la maison, à devenir quelqu’un que j’aimais bien, enfin. Amina m’a serrée dans ses bras, son étreinte douce et réconfortante.
— Prends soin de toi, Fa. Repose-toi bien, et si tu as besoin de quoi que ce soit, je suis là.
Binette, fidèle à elle-même, a essayé de détendre l’atmosphère avec un sourire taquin.
— Fa, à bientôt, repose toi. Reviens nous vite.
Malgré la lourdeur que je ressentais, leurs mots, leurs sourires, m’ont réchauffé le cœur. Je savais que je pouvais compter sur elles, qu’elles seraient là pour moi.
En refermant la porte de l’appartement derrière moi, mon cœur était lourd, partagé entre l’émotion de quitter cet endroit familier et le réconfort de retrouver enfin ma famille.
Ce n'est qu'un au revoir.
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Chronique de Fa, L'étudiante
RomanceFa, l'étudiante Fa est une jeune femme déterminée venant des quartiers modestes de la banlieue de Dakar. Elle a toujours rêvé de devenir médecin, un rêve qui semblait lointain dans son petit appartement exigu où elle partageait ses journées entre ét...