Chapitre 20

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Anna

Je dois me réveiller. Je sais que je le dois, que c'est urgent et impératif, mais mon esprit est trop embrumé, et mon corps trop défaillant pour que j'y parvienne. J'entends vaguement des sons de bagarre autour de moi mais tout me semble étranger. Qui que soit qui se battent, qu'ils aillent ailleurs, là où ils ne perturberont pas mon repos.

Je sens qu'on me soulève, et qu'on me déplace. Bizarre, mais je suis trop faible pour protester. Je n'arrive même pas à lever mes paupières, que diable ! Mon corps tombe lourdement sur une surface dure, sans que je puisse amortir la chute. Aïe, ça fait mal.

Je tente de rassembler mes derniers souvenirs, et soudain je comprends : la meute est en danger. Je suis revenue pour les prévenir, je me suis présentée à la frontière mais là quelque chose s'est rompu dans ma poche et nous avons été comme asphyxiés. Je me suis sentie malade, exactement comme avec les seringues d'aconit. J'ai continué à avancer comme j'ai pu pour donner l'alerte, chercher de l'aide, et j'ai finalement trouvé Chase et l'Alpha. Sauf que j'avais une autre sphère empoisonnée, et la dose supplémentaire a eu raison de ma conscience.

Je ne sais pas où je suis, mais vue la manière dont on m'a traité, ce ne sont pas des membres de ma meute qui sont avec moi. Ce qui veut dire que ça ne sent pas bon, pas bon du tout. D'ailleurs effectivement ça pue. Je sens des relents de pourriture, de fer. De sang. Beaucoup de sang. Tellement de sang que j'ai envie de vomir.

Au prix d'un effort considérable, j'ouvre les yeux. Je vois le ciel bleu à travers des barreaux. Peu à peu, je tourne la tête pour mieux percevoir mon environnement. Je suis dans un cage, posée à l'extérieur, juste à côté de la maison de la meute. Seule.

J'ouvre la bouche pour hurler à l'aide quand une gigantesque détonation retentit non loin de là. Le sol tremble, les vitres explosent, des bâtiments s'effondrent, et une épaisse fumée opaque recouvre tout de l'autre côté de la maison de la meute. Je ne vois rien d'où je suis, l'aile est de la maison me masque le champ d'action de la bombe, mais vue l'intensité, je doute qu'il n'y ait pas eu de dégâts chez les guerriers et les habitants en plus des dommages matériels.

Mes oreilles sifflent et ma tête tourne quelques secondes avant que je parvienne à me redresser sur mes genoux. Un calme absolu pendant plusieurs secondes, comme si toute la vie environnante s'était mise en pause. Même le vent ne souffle plus, les oiseaux se sont tus. Sans m'en rendre compte, j'ai stoppé ma respiration, de peur d'interrompre ce moment. Puis vient la terreur, et j'hyperventile. Je pleure, ma gorge se bloque, et j'ai du mal à respirer. Je halète, en proie à une véritable crise d'angoisse. Et si tout le monde était mort ? Je veux dire, même les loups-garous ne peuvent pas survivre à ça ! Si Chase est... Oh Déesse, faites qu'il ait été épargné, je vous en supplie. Je cesserai d'être aussi illogique et versatile, je passerai ma vie à rendre cette meute meilleure, à l'aider à se reconstruire, mais faites qu'il ait survécu. Je ne peux pas continuer sans lui. Vous venez de le placer sur ma route, il serait trop cruel de nous séparer aussi vite.

Mes sanglots sont de plus en plus bruyants, je me balance d'avant en arrière, les larmes ruisselantes sur mes joues. Mes parents, mes amis, les guerriers de la meute, Alpha Dan. Je connais tellement de monde ici, je ne peux pas accepter qu'ils meurent tous.

Je mets un moment à me ressaisir, consciente qu'il faut que je m'échappe de cette cage. Je pourrai me rendre utile, il doit y avoir des blessés. Peut-être qu'une défense se met en place, je dois arrêter de me lamenter. J'aurai tout le loisir de le faire une fois que nous aurons vaincu ses fils de hyènes. Ce ne sont plus Ducon et Trouduc que je les nomme mais Démon et Toxique, les êtres les plus malfaisants et cruels qui soit. Nous sommes une meute pacifique, pourquoi s'attaquer aussi sauvagement à nous ?

Fuir son âme-sœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant