Fuir son âme-sœur

Chapitre 17

Anna

J'ai compris que le plus vieux c'est D. et le plus jeune T. Je ne sais pas qui ils sont ni ce qu'ils me veulent, mais pour passer le temps je leur ai trouvé de jolis surnoms : Ducon et Trouduc. Ils ressemblent à des ploucs, ne semblent pas parés pour du grand banditisme, donc je me demande bien ce que je fiche là. Le problème le plus important : qu'est-ce qu'ils m'ont injectés pour m'affaiblir autant ? Je n'arrive pas à me transformer, ni même à sentir Belle. Cela m'inquiète. Mon organisme est celui d'un loup-garou, je guéris rapidement et élimine les toxines et autres molécules chimiques facilement.

Là, cela fait un bon moment que je suis ligotée sur une chaise, dans le garage de Trouduc si j'ai bien compris, et je serai bien incapable de marcher plus de deux pas si j'étais libre de mes mouvements. Je n'ai rien dit, feignant de ne pas pouvoir parler, voire d'être encore endormie, histoire de gagner du temps. J'ai toujours bon espoir d'éliminer la substance et de me transformer dès que possible.

J'entends encore la voix agaçante de Ducon, je me concentre pour bien saisir tout ce qu'il dit pour glaner des informations, même si son bruit constant et ses plaintes m'insupportent.

« Je te dis de te méfier, T. Cette fille n'est pas comme nous, je t'assure qu'elle est dangereuse.

- Mais ouais, rigole Trouduc, elle a l'air vachement dangereuse attachée et droguée.

- Ne prends pas ça à la légère. Cela fait des années que j'attends ce moment, ce n'est pas pour que tu gâches tout. Je dois aller retrouver les autres, et aussi passer à mon boulot, histoire que personne ne flaire de problème. Je te laisse la fille, mais tu as interdiction de la toucher.

- T'inquiètes.

- Si je m'inquiètes, tu la reluques comme si c'était une strip-teaseuse. C'est un démon ! Ne te laisse pas avoir par son apparence. Et surtout n'oublie pas, une dose toutes les 4h. Hors de question qu'elle nous échappe. C'est notre porte d'entrée pour ce bled de dégénérés.

- Ouais, ouais, D. j'ai capiche. Pas touche, et une piquouse régulièrement jusqu'à ce que tu reviennes. Et n'oublie pas mes 15000 dollars.

- Je t'ai déjà donné l'avance, les 15000, c'est pour quand on aura mis la main sur les terres de Moonlake.

Ducon part et j'entends le moteur de sa voiture démarrer. Ils veulent récupérer le territoire de la meute ? Ça n'a aucun sens, les terres ne valent pas grand-chose, et sont excentrées de toute ville. Il y a bien la mine, mais son entrée est cachée et surveillée, aucune chance que des humains la connaissent. Et puis, que comptent-ils faire des habitants ?

Plus inquiétant, il a parlé de démon. Que sait-il exactement sur moi et les miens ? Serait-il possible qu'il connaisse notre secret ? Dans ce cas, c'est de l'aconit qu'il m'a injecté, ce qui expliquerait que Belle soit inaccessible dans mon esprit, et que je n'arrive pas à évacuer la dose de mon sang rapidement.

L'autre, Trouduc au regard lubrique, s'approche de moi. Il donne un premier coup de pied dans la chaise, me faisant osciller. Il trouve ça drôle et recommence. Je ne bronche pas, je ne veux pas l'énerver, il à l'air d'être plutôt sanguin comme garçon, bien que pas très malin.

- Alors, démone ! Ahahah !

Ouhla, c'est confirmé, j'ai à faire au trouduc le plus con de l'histoire !

- Dommage que je n'ai pas le droit de m'amuser un peu avec toi, parce que t'es plutôt canon pour une cinglée. Mais peut-être que D. se plante, et que t'es juste une pauvre victime de cette secte de sorcières.

Hein ? Une secte de sorcières ? Qu'est-ce que ce demeuré raconte ?

- Hey, répond !

Il donne de nouveau un coup dans le pied de la chaise, on dirait qu'il a peur de trop m'approcher. Après tout, sorcière, pourquoi pas ? Je ne peux pas feindre le sommeil plus longtemps. Je sors le grand jeu. Je relève la tête doucement, avant d'ouvrir brutalement les yeux. Mes cheveux tombent devant mon visage, c'est parfait. Je dois avoir tout à fait la tête de l'emploi. Ne manque qu'un sourire exagéré et flippant, que je ne manque pas de lui faire.