48 - Décision

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En sortant du rond de longe, Eva s'était directement rendue au pré tandis que nous amenions Indiana aux écuries pour le panser. Elle voulait voir comment se portait l'un des chevaux, qui souffrait d'arthrose. La jeune femme nous retrouva vint minutes plus tard à l'office, l'air satisfaite de son examen.

- Ça vous intéresse d'aller faire des courses ? nous proposa-t-elle. Je suis libre jusqu'à midi.

Nous étions en train de rattraper le petit-déjeuner que nous n'avions pas eu le temps de prendre au réveil, et il apparaissait évident que le prochain repas se ferait avec des miettes. De tout ce que j'avais emporté en quittant Paris, il ne restait plus que quelques tranches de pain de mie, une clémentine et un paquet de lentilles cuisinées.

- Carrément ! m'empressai-je d'accepter.

- Je vous attends dans la voiture.

Eva quitta la salle commune. Je me dépêchai d'avaler mon thé au citron tout en faisant une liste mentale de ce qu'il nous fallait. Le dimanche précédent, je n'avais pas eu l'occasion de me réapprovisionner : après l'achat de la tente, il aurait fallu faire un détour pour rejoindre un centre commercial ouvert 7j/7, et Eva m'avait demandé de l'épargner, promettant de m'y emmener bientôt.

J'avais hâte de mettre la main sur des produits frais. Au refuge, j'avais découvert avec joie une kitchenette composée d'un four à micro-ondes, d'une plaque de cuisson portable et d'un mini-réfrigérateur. Nous allions pouvoir cuisiner comme à Paris.

- Tu as envie d'un truc en particulier ? demandai-je à Sacha.

- Je ne pourrais pas venir, plutôt ?

- Tu n'as pas besoin de m'accompagner, tu sais... Enfin, c'est comme tu veux.

J'avais vivement ajouté ces derniers mots devant son expression outrée. Il en avait assez que je m'organise sans lui.

Nous rejoignîmes ensemble Eva sur le parking, et je le laissai s'asseoir à l'avant, me rappelant le dédain de notre chauffeuse la dernière fois que j'avais empêché Sacha de s'installer là. Finalement, je me réjouis qu'il ait fait le choix de me tenir compagnie : il ne me fallut pas longtemps pour me rendre compte que la gentillesse et la patience dont elle faisait preuve avec Sacha ne me concernaient pas. Elle avait beau accepter de me rendre service, Eva se montrait toujours aussi froide envers moi. Lorsque je commentai la météo, elle me gratifia d'un « ouais » rauque et antipathique avant de se retourner vers Sacha, douce et amicale.

- Bravo pour ce matin. C'était bien pour une première.

- Merci, répondit-il du bout des lèvres.

Sacha était trop timide pour entretenir la conversation. Aussi retentai-je ma chance, décidé à normaliser nos relations.

- Tu vas à l'assemblée générale, cet après-midi ?

- Ouais.

Heureusement, j'étais persévérant.

- Ça t'en fait, de la route, dis donc.

Eva enfonça un peu plus l'accélérateur. Était-elle pressée de se débarrasser de moi ? Sacha se tassa sur son siège en sentant son irritation. Elle s'en aperçut et, pour ne pas lui faire subir sa mauvaise humeur, elle se résigna à répondre :

- Je reste sur Paris, ensuite. Ma grand-mère habite dans le village près du refuge. Je dors chez elle du samedi soir jusqu'au mardi. Comme elle n'est pas en très bonne santé, ça me rassure de pouvoir veiller un peu sur elle. Ça me permet aussi de venir m'occuper des chevaux. Mais le reste de la semaine, je travaille à mi-temps dans un restaurant.

Symphonie de BoréeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant