47 - Première leçon

21 2 1
                                    

J'avais complètement oublié de demander des précisions à Aurélien au sujet de « l'intrus ». C'est en me couchant, le soir, que la question me revint en mémoire. J'évitai d'en parler à Sacha pour ne pas l'effrayer, mais j'étais certain qu'il pensait à la même chose que moi. Nous passâmes une nuit difficile, plus froide que la précédente. Le gel nous prenait aux tripes et nous réveillait chaque fois que nous commencions à sombrer dans le sommeil. Pour ma part, c'était la première fois que je dormais avec un manteau et deux paires deux chaussettes. Sacha, lui...

Au matin, je retrouvai le linge que j'avais lavé éparpillé sur la pelouse tout autour de la tente. Le vent l'avait envoyé voler pendant la nuit et prenait encore un malin plaisir à l'écarter de moi quand je croyais mettre la main dessus. Sacha se mit à poursuivre un couple de chaussettes fugueuses, mais je décidai de rattraper seul ces aspirants cerf-volants :

- C'est bon, je vais le faire.

- Mais...

- Eva va t'attendre si tu ne te prépares pas vite.

Sacha resta planté dans l'herbe, interdit.

- Je te rejoins dès que j'aurai tout rassemblé, lui promis-je avant de l'encourager : Aie confiance en toi !

- J'ai confiance en moi, rétorqua-t-il.

Piqué par mes mots, il s'éloigna comme je le lui commandais, le nez pointé vers le ciel, gonflé d'orgueil. Je demeurai seul près de la tente tandis que les bourrasques fouettaient l'air de plus en plus violemment. Je devais tout récupérer avant que ne se déclare l'averse qui menaçait. Mais certaines pièces restèrent introuvables malgré tous mes efforts. Comme le temps filait, je finis par abandonner les recherches, refusant de rater pour un caleçon quelque chose d'important.

Sacha et Eva étaient entrés dans l'enceinte de la piste circulaire, accompagnés d'un double-poney qui semblait plongé dans une douce léthargie. Je fus soulagé de constater que la terreur grise était restée dans son box. Sacha m'adressa un petit signe de la tête en me voyant arriver, sans toutefois se laisser distraire par ma présence. Les explications d'Eva résonnaient haut et clair dans toute la carrière.

- Le but, disait-elle, c'est de parler au cheval un langage qu'il puisse comprendre. Les chevaux communiquent avec leur corps, et leur corps est complètement différent de celui des humains : ils tiennent sur quatre jambes, nous tenons sur deux à la verticale. Alors pour prolonger notre stature, on utilise un stick.

Elle mit entre les mains de Sacha la baguette qu'elle avait utilisée avec Cosmos le jour précédent. J'entendis Sacha noter que ce n'était donc pas une cravache. Sa voix était presque inaudible en comparaison de celle d'Eva.

- Pas du tout, confirma la jeune femme. Ce n'est en aucun cas un outil conçu pour effrayer ou frapper le cheval. D'ailleurs, il ne faut surtout pas qu'il en ait peur. Tu peux le faire sentir à Indiana pour qu'il voit ce que c'est.

Sacha colla timidement le stick aux naseaux du poney alezan qui n'eut aucune réaction, plongé dans sa sieste.

- Ensuite, tu peux caresser son encolure et, si tu vois que ça ne le dérange pas, glisser sur des parties plus sensibles comme le dos et la croupe.

Appliqué, Sacha faisait glisser son archet sur les crins d'Indiana comme un violoniste virtuose.

- Il faut toujours valider les exercices des deux côtés. Le cheval n'est jamais autant à l'aise à sa droite qu'à sa gauche.

Un peu maladroitement, il transvasa la longe dans la même main qui tenait le stick pour passer de l'autre côté de la tête du poney et eut un peu de mal à s'en dépêtrer, ne sachant s'il valait mieux prendre le stick dans sa main droite, la plus habile, ou sa main gauche, plus proche du flanc de l'animal. Ce dernier n'en avait cure, toujours profondément endormi.

Symphonie de BoréeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant