Chapitre 26

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La Fugitive

Assise en silence, j'observe attentivement chaque geste effectué par Atan. Il déroule devant moi une carte détaillée sur la table en bois massif. Quand la carte s'étale totalement, c'est comme si je me prenais un coup de poignard dans l'estomac. Ma poitrine se serre et ma vision se trouble. La douleur n'est pas physique, mais elle est bien réelle, brutale, ravageant tout en moi. C'est comme si les années avaient fondu d'un coup, m'emportant loin de cette pièce pour me ramener dans cette chambre sinistre et paralysante , cette peur s'infiltre dans mes os, me paralysant totalement.

Mon regard reste figé, incapable de se détourner. 

Chaque pièce dessinée, chaque couloir, chaque porte marquée d'un trait sombre, c'est un retour à l'enfer de mon enfance. Je ressens encore l'atmosphère étouffante de cette maison, où chaque bruit résonnait comme un cri.

Je revois mes pas pressés, mon souffle court, à chaque fois que je me faufilais près d'une sortie, espérant, priant pour réussir à m'en aller. Cette bâtisse est conçue dans les moindres détails pour maintenir certaines personnes captives de ses mafieux. C'est une prison de torture, pas une maison.

Mon attention se porte malgré moi sur une petite zone de la carte, située en haut de l'étage, tout au fond du couloir le plus étroit, là où se trouve ma chambre d'enfant. Sur ce plan détaillé, elle semble minuscule. C'était un espace confiné, un piège déguisé en chambre d'enfant.

Pourtant, rien ne rappelait l'enfance à l'intérieur de ces quatre murs.

Sous ce matelas trop rigide, j'avais dissimulé une dague dérobée un soir quelque part dans la maison. À l'âge de treize ans, j'étais déjà contrainte de veiller sur ma propre protection, car personne d'autre ne pouvait le faire pour moi.

Raviver cette chambre représentée sur cette carte réveille une douleur que je pensais avoir surmontée. Pourtant, quand je suis partie, j'avais des cicatrices invisibles qui ont fait de moi la personne que je suis aujourd'hui.

— J'aurais besoin de toi sur ce coup-là. s'engage Atan me sortant progressivement de mon passé.

Je l'observe plonger dans ses préparatifs avec une concentration presque hypnotique. Il a le regard dur, calculateur mais, maintenant que je sais qui il est vraiment, il a aussi le regard de ce jeune garçon qui pointait un laser vert vers ma fenêtre pour m'informer de l'arrivée d'Enrico. Ce garçon pour qui je ressentais un sentiment indescriptible il y a 7 ans.

Il tend sa main et mes yeux suivent le mouvement de ses doigts qui glissent lentement sur la carte. Sa main est large, ses doigts longs et puissants, et le poids de son geste semble s'appuyer sur chaque recoin dessiné sur le papier. Des veines saillantes courent le long de son poignet jusqu'à ses phalanges, sinueuses et sombres sous sa peau tendue, elles se gonflent à mesure qu'il effleure la carte.

Plusieurs bagues brillent à ses doigts, chacune d'entre elles est imposante et ornée de gravures qui captent la lumière de la pièce. Il s'arrête au niveau de ma chambre dessinée sur la carte et tapote légèrement dessus.

— Si mes souvenirs sont bons, c'est ici que tu dormais n'est-pas ?

Mes nuits n'étaient pas faites pour le sommeil, c'était le début des cauchemars, mais je n'ai pas envie de l'admettre.

— Oui.

Je veux détourner les yeux, mais il m'en empêche par son magnétisme brutal. Les souvenirs de mon enfance reviennent, flous et cruels.

Cet enfant qui m'avait donné l'espoir autrefois n'était plus là. À présent, il se tient devant moi en stratège implacable.

Il lève les yeux vers moi, et dans ce regard, je vis toute l'ombre d'un passé que je croyais enfoui.

𝕃𝕖 𝕔𝕠𝕥𝕖 𝕠𝕓𝕤𝕔𝕦𝕣 𝕕𝕖 𝕝𝕒 𝕞𝕒𝕗𝕚𝕒Où les histoires vivent. Découvrez maintenant