Chp 2 - Cyann : le morne quotidien d'un prince héritier

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Comme tous les jours, je vais lire au bord du lac. Y a des ældiens qui y vont, mais ils m'ignorent, et je les ignore. La première fois, je les ai entendu murmurer « perædhel », mais ça n'a pas duré. Maintenant, ils font comme si je n'étais pas là.

Enfin, jusqu'à cette ældienne qui vient se planter devant moi. Je ne l'ai même pas vue arriver.

— Salut !

— Salut.

Je baisse à nouveau les yeux sur mon livre, essayant d'ignorer ses yeux tout bizarres qui me fixent. Je ne sais pas quel âge elle a : c'est impossible de savoir avec les ylfes. Mais c'est sûrement une gamine, vu sa taille.

— Tu fais quoi ?

Putain, elle ne part pas...

— Je lis un livre.

Je m'attends à ce qu'elle ne sache pas ce que c'est. Mais non, elle embraye.

— T'es un perædhel ?

Non, sans blague ?

— Ça se voit pas ?

— Si...

— Ben voilà.

— T'es grand, pour un perædhel. Et tu parles très bien l'ældarin.

Je ne réponds pas.

— Pourquoi tu ne réponds pas à mon compliment ?

Je relève la tête.

— Parce que si j'avais répondu à chaque fois qu'on me disait que je parlais bien la langue de l'endroit où je vis depuis mes six mois ou que j'étais grand pour un semi-humain ou que mes oreilles étaient rondes, je n'aurais plus de salive dans la bouche.

— Tes oreilles ne sont pas très rondes, pourtant, dit-elle en regardant de chaque côté pour vérifier.

Je suis sûre qu'elle n'a jamais vu de perædhel de sa vie, en plus.

— Bah désolé. Faut aller se plaindre au gérant du zoo.

— Le zoo ? C'est quoi ?

— Un grand jardin plein de cages où on enferme les gamines chiantes comme toi. Je suis en train de lire, là. Et j'ai pas envie de parler.

Normalement, maintenant, elle va se barrer. Je reprends mon bouquin.

— T'as déjà mangé des glaces ?

Je la regarde par-dessus ma couverture.

Sérieux ?

— Des crèmes glacées, précise-t-elle. Il y en a chez les humains. Il paraît que c'est très bon.

— Ouais, j'en ai déjà mangé, admets-je.

— C'est quoi le meilleur, les glaces ou le coimas ?

— Les glaces. Le coimas, ça n'a pas de goût, ce truc.

Une personne normale m'aurait envoyé chier. Ou aurait tenté de défendre son plat national. Mais cette gamine est ældienne. Je sais qu'elle ne me lâchera pas avant d'avoir obtenu ce qu'elle voulait savoir.

— Au revoir !

Eh ben non. C'est fini. Comme ça, pfiout.

— 'voir.

Ama no kawa (Les voyageurs de la Trame I)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant