Chp 11 - Cyann : le confinement

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Ma mère ayant accepté que j'aille dîner chez Aloïsha, je dois lui trouver un cadeau. On ne peut pas arriver les mains vides : c'est insultant. Pour elle, c'est facile : un bouquin. Ses parents, un peu moins.

— Prépare-leur un plat humain, me suggère ma mère. Pourquoi pas des crêpes de semoule ?

Un genre de coimas. Ok, c'est facile à faire. J'en fais une bonne dizaine, les emballe dans une feuille de tuyal.

— Et change de tunique ! me lance maman du salon. Je t'en ai sorti une sur ton lit.

En effet. Elle m'a sorti un uniforme princier en velours gris, avec des diamants sur le col et des broderies en fil de mithrine le long des agrafes et sur les manches. Rien de tel pour dire : « hé hé, regardez, je suis le noble héritier d'une Cour royale ældienne ».

— Et pourquoi pas une couronne, pendant qu'on y est ! je lui hurle de ma chambre.

— Je t'en ai sorti une en argent. Regarde sous la tunique. Et ne râle pas : tous les jeunes ældiens portent ce genre de choses, pendant les occasions cérémonielles. Ah, et tu me feras le plaisir de changer de shynawil, aussi. Qu'on ne dise pas partout sur le Mebd que j'habille mal mon fils : ton père serait furieux.

Lui qui est en armure tout le temps, avec un shynawil en lambeaux... manquerait plus qu'il se plaigne.

Je m'habille en grognant. La couronne est discrète et on la voit à peine dans mes cheveux noirs, mais je pouffe tout de même de rire en me voyant dans le miroir.

— On dirait que je suis déguisé en ylfe pour le carnaval d'Arkonna !

Ma mère passe ses doigts dans mes cheveux courts.

— T'en es un, donc ça tombe bien, non ?

Elle réussit à m'embrasser la joue, malgré le fait que je m'écarte en maugréant. J'aime pas le contact.

— Tu es très beau mon fils, me tance-t-elle en me pinçant l'oreille. Allez, amuse-toi bien !


*


Ma mère, une fois de plus, a vu juste. Les parents d'Aloïsha sont sur leur 31, et je les aurais grandement insultés en arrivant habillé comme d'habitude. Quant à leur fille, que dire... c'est tout ce qu'on peut imaginer d'une princesse ylfe, dans les fictions sur NovaRep. Les longs cheveux flamboyants, les oreilles pointues ornées de gemmes, la robe vert émeraude brodée aux longues manches et le shynawil en velours bleu roi joliment posé par-dessus.

— Je vous ai apporté ce maigre présent, en modeste témoignage de mon immense reconnaissance. Je suis infiniment honoré et réjoui de votre invitation. Amansyla lumëninelo, hamad.

Les deux grands ældiens me dévisagent en silence sur le pas de leur porte délicatement ornée, aussi immobiles que des statues. Puis le père pose sa longue main sur sa tunique richement brodée au niveau de la poitrine, et incline la tête.

Amansyla lumëninelo, répète-t-il de sa voix mélodieuse, avant de m'inviter à entrer.

Zaesh m'emboite le pas, recouvert, par discrétion, de son shynawil de camouflage qui scintille légèrement. Les parents font semblant de ne pas le voir.

— Qu'est-ce qu'il est bien élevé, pour un perædhel, entends-je murmurer la mère à sa fille alors que j'entre dans leur maison.

C'est la première fois que je suis invité chez de vrais ældiens. Leur maison est petite mais belle, avec des petites lampes accrochées partout dans l'entrelacs des branches feuillies de leur arbre-lige. Des fenêtres en verre ouvragé et coloré filtrent la lumière d'Asur, le soleil de Mebd, et des voilures de soie, des paravents finement gravés et des coussins confortables donnent une atmosphère intimiste au lieu. Un feu flambant derrière la grille de la cheminée achève de rendre le tout chaleureux. J'avise les khangg ou paniers-lits, accrochés aux branches qui forment le plafond dans le fond de la maison, bien écartés les uns des autres. De la taille d'une petite pièce, ils sont ornés de miroirs, de bandes de papier colorés et de babioles diverses. Il n'y en a que deux, ce qui prouve qu'Aloïsha est fille unique.

Ama no kawa (Les voyageurs de la Trame I)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant