Je partis m'asseoir à côté de lui, excédée, sans chercher à cacher mon mécontentement. Mes gestes étaient secs, mes épaules tendues, mais il ne semblait pas s'en formaliser. Au contraire, il afficha un sourire amusé, visiblement diverti par mon agacement.
« Ne boudez pas, mademoiselle Haydé. Vous allez voir, nous allons nous amuser. »
Sa voix était légère, presque moqueuse, comme s'il s'agissait d'un simple jeu.
Il s'était arrêté de jouer et avait posé son coude sur la partie supérieure du piano, me faisant face avec un air à la fois détendu et calculateur. Son regard scrutait chacun de mes mouvements, comme s'il essayait de deviner la moindre de mes pensées.
Je levai les yeux au ciel.
« Facile à dire venant d'une personne qui inspire le respect rien que par son titre. »
Il eut un petit rire, un rire bas et contrôlé, presque comme s'il se moquait de moi.
« C'est là où vous vous trompez, » répondit-il tranquillement. « Le respect, ça se gagne, peu importe que vous soyez roi ou paysan. »
Je lâchai un soupir incrédule.
« Oui, c'est ça. »
Il me lança un regard amusé, son sourire agaçant s'élargissant légèrement.
« Avez-vous du respect pour toutes les personnes que vous avez croisées lors du dîner avant-hier ? »
Sa question me prit de court. Mon premier réflexe fut de répondre par l'affirmative, mais les visages de chacun me revinrent en mémoire. Les rires feutrés, les regards condescendants, les faux sourires... Mon silence lui arracha un sourire satisfait.
« C'est bien ce que je pensais, » murmura-t-il.
Il se remit en place devant le piano, ses doigts effleurant distraitement les touches, produisant quelques notes éparses, comme s'il réfléchissait. Puis, sans même me regarder, il demanda d'un ton léger :
« Un duo à quatre mains, ça vous tenterait ? »
Je fronçai légèrement les sourcils, hésitante.
« Je... je ne sais pas jouer du piano. »
Je m'attendais à ce qu'il se moque, qu'il laisse échapper un rire narquois ou qu'il me lance une remarque condescendante sur mon ignorance. Après tout, ce monde où l'apparence et la culture semblaient tout définir ne laissait guère de place à l'imperfection.
Mais contre toute attente, il ne fit rien de tout cela.
Au lieu de cela, il se tourna lentement vers moi, ses yeux s'illuminant d'un éclat curieux, presque enthousiaste.
« Vraiment ? »
Je hochai la tête, méfiante.
Un sourire—sincère, cette fois—étira ses lèvres.
« C'est parfait. »
Je clignai des yeux, déconcertée.
« Parfait ? » répétai-je, incrédule.
« Absolument, » confirma-t-il en tapotant doucement une place à côté de lui sur le banc. « Cela signifie que je vais pouvoir être votre premier professeur. Et croyez-moi, je suis un excellent professeur. »
Je restai un instant immobile, à la fois surprise et méfiante face à son enthousiasme inattendu. Je m'étais attendue à tout sauf à ça.
« Connaissez-vous Für Elise ? » demanda-t-il en effleurant les touches du piano, laissant résonner les premières notes emblématiques.
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Entre Ombre et Couronne
Teen FictionHaydé, une jeune femme du peuple, se voit contrainte de remplacer son père au Palais Royal. En entrant dans l'univers fastueux mais impitoyable de la cour, elle rencontre le prince Ivan Leister, un homme connu pour sa dureté et son caractère glacial...