Chapitre 2 : Parties de chasse

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« Un bon prédateur doit savoir s'adapter à tout type de chasse... »

| 20 août 1976 – Londres – 10h20 |

En attendant le démarrage de ma mission à Poudlard, je profitais du temps libre qu'il me restait pour honorer quelques contrats de sang supplémentaires. En tant que tueuse à gages, je ne remplissais pas des contrats seulement pour mon père. Il n'aurait pas de quoi m'occuper à temps plein. Alors il me faisait profiter de ses contacts pour m'approvisionner en mission. C'était gagnant-gagnant : moi j'avais de nouveaux contrats régulièrement, mon père prenait une commission sur mes gains. C'était une source de revenus complémentaire pour financer ses projets. Une source conséquente compte tenu du nombre de contrats que j'étais capable de satisfaire dans un mois.

Ma prochaine mission était plutôt alléchante, j'avais deux cibles à abattre. La première était un flic ripou appartenant à la Brigade Criminelle Magique. Je n'avais jamais vu un gars aussi corrompu. Lorsqu'il était débutant et qu'il était envoyé sur les affaires de cambriolage, il récupérait une partie de l'argent retrouvé lors de l'arrestation des voleurs. Quand il est passé aux stup', il se mettait dans la poche une partie des drogues saisies. Maintenant qu'il était à la crim', il s'occupait de faire taire des informateurs précieux en échange de récompense. Il faut reconnaître qu'il avait bien évolué tout au long de sa carrière. Le problème, c'est qu'il était devenu gourmand. Dernièrement, il avait fait chanter un trafiquant avec des photos compromettantes. Le trafiquant était prêt à payer oui... mes services, pas le ripou, dont les heures étaient comptées.

Je me frayais un chemin dans la foule, non loin derrière ma cible. Ah ces touristes... aussi pénibles en surnombre qu'utiles lors d'une traque en plein jour. Une excellente couverture mouvante dont je me servais souvent. Je gardais toujours une distance respective entre ma cible et moi, histoire de ne pas paraître suspecte. C'est fou, mais même en pleine ville, il arrive qu'on se sente observé ou suivi. Et alors, on se retourne machinalement, enregistrant les visages les plus proches automatiquement d'un simple regard, sans même le vouloir. Si cette sensation d'être traqué continue, on répète le geste, comme pour nous rassurer. C'est lors de cette deuxième vérification qu'on commence à être en alerte si on voit le même visage. Certains s'en foutent, ne voyant là qu'une simple coïncidence, mais d'autres, plus prudents, changent de comportement. Modification d'itinéraire, observation plus attentive de l'environnement, recherche de la moindre excuse pour se retourner et confirmer ses doutes... l'instinct se met à exiger bien des précautions quand le danger commence à se faire ressentir.

C'était le cas pour ma cible, qui commençait à ralentir l'allure, m'obligeant à m'écarter aussi. Il ne s'était pas encore retourné, mais j'avais senti à sa démarche qu'il était en alerte. Ripou ou non, un flic est habitué aux filatures. Pourtant, j'étais persuadée qu'il ne me remarquerait pas. On se méfie rarement d'une jolie jeune femme qui marche paisiblement dans la ville. Je me tournai vers l'abbaye de Westminster lorsque ma cible jeta un coup d'œil par-dessus son épaule. Je sortis un appareil photo et fis quelques clichés, prétexte pour m'arrêter et laisser repartir ma cible. Dix secondes plus tard j'étais à nouveau en route.

Il me fallut patienter une demi-heure encore avant d'avoir l'occasion d'agir. La patience était incontestablement l'un de mes meilleurs atouts. J'étais capable d'attendre des semaines si c'était nécessaire pour commettre le meurtre parfait. Voilà pourquoi mon nom de code était Tracker. Heureusement, je n'eus pas besoin de repousser l'échéance aussi loin. S'engager dans une ruelle moins fréquentée ne peut signifier que deux choses : soit ma cible avait baissé sa garde, soit elle m'avait repérée et cherchait un lieu isolé pour une confrontation. Palpitant dans les deux cas.

Je me permis donc d'accélérer un peu pour le rattraper, jetant un bref coup d'œil aux personnes squattant les bords de rues. Beaucoup d'hommes me regardaient sur mon passage, j'avais volontairement pris une tenue à cette fin. Éliminer ma cible dans les prochaines minutes me placerait en haut de la liste des suspects. Ma démarche pressante montrait bien que je ne voulais pas perdre de vue la seule personne en mouvement dans cette rue. Ces quelques clochards qui me suivaient du regard n'étaient autres que de futurs témoins. J'imaginais déjà la scène, avec les flics : « Avez-vous vu ou entendu quoi que ce soit qui ait retenu votre attention ce matin entre 11h et 11h30 ? ». Si ces pauvres types étaient interrogés suffisamment vite avant que l'alcool vienne balayer mon souvenir de leur mémoire, certains répondront sans doute : « Il y avait cette belle jeune femme quelques minutes avant l'heure du meurtre. Elle était étrange... on aurait dit qu'elle suivait cet homme. »

L'amor ne prévient pas avant de frapperOù les histoires vivent. Découvrez maintenant