"Tout ce que je voulais, c'était être l'égale de ma mère"
Charlotte n'a qu'une ambition : devenir une grande gymnaste. Comme sa mère. Alors quand l'occasion se présente, elle n'hésite pas une seule seconde. Pourtant elle n'imagine pas le nombre d'ob...
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Il est bientôt une heure du matin. Je serais crevée à l'entraînement demain mais je suis bien trop absorbée par un carnet de maman. Celui dans lequel j'ai repéré ses chorégraphies. Elle propose une nouvelle entrée aux barres asymétriques avec un score de difficulté élevé. Le mouvement consiste en une rondade et d'un arabian, arrivée à l'ATR sur la barre inférieure et suivie d'une valse complète.
Autrement dit, ça relève presque de l'impossible. Presque, car maman était à un fil de le réussir. Si j'en crois ce carnet, elle a arrêté de le travailler quelques mois après les nationales de 1994. C'est aussi à partir de ce moment que ses notes deviennent plus floues dans les autres carnets. On dirait presque que la gymnastique la dégoûtait à cette période. Ce que je peux comprendre puisqu'elle était en pleine préparation pour les Jeux olympiques d'Atlanta deux ans plus tard. Le désir d'être sélectionnée et l'angoisse de ne pas l'être, d'avoir travaillé pour rien sont étroitement liés pendant les mois qui précèdent les jeux. Si le risque de blessure ou d'échec était trop grand, elle a préféré ne pas compromettre sa sélection.
De nombreuses gymnastes veulent mettre leur nom sur un élément gymnique de leur invention, celui qui rentrera au code de pointage, qui marquera la discipline et dont on parlera pendant des années. Parfois au risque de se blesser gravement.
Je prends des notes tout en mordillant le cordon de mon sweat à capuche lorsque la voix de Riley me parvient de l'autre côté du couloir. Spencer a le sommeil lourd, mon oncle et ma tante dorment au rez-de-chaussée et n'entendent rien. Je pose le carnet sur ma table de nuit et me dirige vers la chambre de ma cousine. Derrière sa porte, je l'entends se disputer au téléphone avec son amie.
— Qu'est-ce que tu veux que je te dise, Maïa ? Moi aussi ça m'a perturbé mais je ne veux pas que ça se sache pour l'instant.
Un silence puis elle reprend :
— On en reparle demain.
Je toque et entre quand elle m'y autorise. Ses longs cheveux bruns tombent en cascade autour de son visage en cœur. J'ai le temps de voir que ses yeux sont bouffis et rouges. Elle s'allonge sur son lit et fixe le plafond décoré d'étoiles phosphorescentes. Je la rejoins, nos épaules en repos l'une contre l'autre.
— Tu peux tout me dire, tu sais ? Ce que se dit dans cette chambre restera dans cette chambre.
Elle m'accorde un sourire bref. J'accorde une grande importance aux émotions de mes cousines, et surtout Riley. C'est la petite dernière, ma petite protégée. J'ai toujours voulu qu'elle se sente légitime de ressentir quelque chose et en confiance pour s'exprimer. Elle s'assoit en tailleur sur son couvre-lit et tire les petites peaux autour de ses ongles.
— Je resterai toujours comme ta petite sœur, hein ?
— Je t'aiderais même à cacher un corps si tu me le demandais, Ley' !