2. Cœur meurtri

202 16 34
                                    


« I'm never gonna meet what could've been, would've been, what should've been you »

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

« I'm never gonna meet what could've been, would've been, what should've been you »

Bigger Than The Whole Sky – Taylor Swift


Les roues de mon fauteuil crissent sur le sol en linoléum des couloirs de l'hôpital. Trois ans que j'y viens pour mes séances de kiné. Il faut croire que c'est le prix à payer pour être encore en vie mais estropié. Les gens que je croise m'adressent tous des regards remplis de pitié. Je déteste cette manière de faire, comme si être handicapé est ce qui pouvait leur arriver de pire. Je le vois dans leurs manières de vous dévisager : pour eux, il n'y a plus que ce tas de ferraille qui vous définit.

Le kiné m'attend déjà dans la grande salle remplie d'appareils en tout genre ; aux couleurs si vives qu'elles agresseraient les yeux d'un aveugle. Il m'accueille avec un enthousiasme qui crève le plafond. Deux autres patients que j'ai l'habitude de voir ici sont également là, en plein exercice. Sans perdre une seconde, je me transfère sur la table d'examen à la force de mes bras, hissant tout le poids de mon corps à moitié mort.

— Je suis toujours impressionné de te voir faire ça.

— Le basket ça paie.

Et aussi le fait de devoir pousser son fauteuil et les transferts à répétition. Je me suis musclé à vue d'œil. Après l'accident qui m'a coûté l'usage de mes jambes, je me suis effondré. Je pensais ne plus jamais pouvoir faire de sport. Aujourd'hui, je suis un des meilleurs joueur universitaire de basket-fauteuil. À UCLA en tout cas.

Certains valides pensent que ce n'est pas du vrai sport mais c'est extrêmement physique : on doit diriger nos fauteuils, penser à dribbler dans les temps pour éviter les pénalités, sprinter pour marquer des paniers. Et puis si ce n'était pas un vrai sport, on aurait pas notre discipline aux jeux paralympiques, pas vrai ?

Je m'allonge à mon aise sur le matelas et mon thérapeute entreprend les différents exercices. Pendant une heure, il mobilise les articulations de mes membres inférieurs paralysés. Pendant une heure, je reste stoïque, dirige mon esprit vers le basket-ball, pour ne pas repenser à cette soirée, celle qui me ramène ici. Il m'arrive parfois de discuter avec les autres patients : Dean, un vétéran de l'armée pas plus âgé que moi et Betty, une patiente de trente ans notre aînée et victime d'un AVC. Mais aujourd'hui je n'ai pas vraiment envie de taper la causette.

Je suis heureux d'être en vie. Vraiment. J'ai appris à vivre et à m'épanouir malgré mon handicap. Mais il y a des plaies qui ne cicatrisent jamais et des souvenirs qui les font saigner en permanence.

— Et sinon, ta saison commence bien à UCLA ?

Mon kiné suit mes performances depuis que je suis en fauteuil. En fait, c'est même lui qui m'a soufflé l'idée de faire du handi-basket. J'apprécie qu'il détourne mes pensées sombres vers quelque chose que j'aime plus que tout.

DaylightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant