Gabriel l'Archange devenu démon

1.2K 36 8
                                        

La tâche bien ardue serait de me tenir à l'objectivité concernant ce portrait de mon frère Gabriel.

Son prénom inspiré d'un des plus grands archanges, ce qu'il annonce n'est pourtant pas angélique. Gabriel, le quatrième dans l'ordre de la fratrie, et le deuxième des garçons avait déjà 20 ans au jour de ma naissance et se maria alors que j'avais seulement trois ans. De sa présence domiciliée à la maison, je n'ai pas le moindre souvenir d'enfant, sans doute déjà parti vivre ailleurs. Je sais seulement, parce que maman me le raconta, que lors de la cérémonie de son mariage, au beau milieu de l'église, je me suis échappé dans le couloir central, babillant je ne sais quoi. Il paraît que cette escapade le contraria. On se doutera que ce qu'il pouvait en éprouver à mon âge d'alors me passa bien au-dessus de la tête. Je ne m'en souviens bien évidemment pas. Mais si cette contrariété entre nous il y eut, elle fut annonciatrice de bien d'autres qui la suivirent.

Oh, Gabriel, ce n'est pas qu'il n'y ait pas une once de qualité en lui, c'est qu'il y a aussi tant de dureté, d'intransigeance, de colère, de jugements, de violence, et trop souvent de méchanceté.

Dans son métier de menuisier, Gabriel avait indéniablement un talent. Mais ses phases de travail alternaient entre énergie et vides. Indubitablement, la bipolarité est dans son portrait, comme il est dans le mien ou celui de maman. Des phases hyperactives, et d'autres à la mollesse. Mais cela n'excuse pas tout ! Un trouble de l'humeur est une chose, la perversité morale en est une autre.

S'il m'est accordé d'avoir un étrange caractère, que dire de celui de Gabriel ? De tout mes souvenirs de lui, il n'y en a pas un qui soit marqué par le plaisir partagé. J'ai essayé pourtant, à ma vingtaine d'aller le voir. Le propos qu'il me tint était déconcertant. M'attribuant le mérite d'avoir su manipuler mes parents, c'était une bien étrange vision. Le calcul et la manipulation ne sont pas au nombre ni de mon arc, ni de mes arpèges. Je n'ai jamais cherché à semer la discorde, lui préférant autant qu'il m'est possible les accords. Je préfère l'harmonieuse musique aux cris stridents qui tendent ma propre corde. Je n'ai pas réagi à cette déclaration. Nous en restâmes là. Et par la suite, quand mon homosexualité fut dévoilée, nos relations furent définitivement fermées. Ses jugements insultants m'enfermèrent à jamais au nombre des infréquentables. De lui aussi, je sais les mots insanes qui sont sortis de sa bouche pour me qualifier. Inutile de les redire. Ma coupe en est pleine. Gabriel a au moins avec Paule ou son époux ce point commun de juger ma sexualité comme une monstruosité. Soit ! Dont acte. Qu'il passe mon chemin, je n'ai plus rien à lui dire !

La seule fois où nous nous parlâmes depuis, ce fut pendant le cortège funéraire conduisant le cercueil de papa à l'église. J'ai eu le malheur d'allumer une cigarette pour apaiser mon stress et ma douleur. Papa était fumeur. Il aimait les petits cigares. C'était un de ses petits plaisirs dont il était visible qu'il y prenait délice. Pour moi, c'était un hommage qui me rapprochait de lui, le cœur empli de la tristesse de sa perte. Oh mon père, lui si peu versé aux excès de langage et si discret ! Jamais il n'aurait osé faire de reproche à quiconque. Gabriel s'est détaché du cortège pour me rejoindre moi qui le refermait comme étant le dernier-né. Gabriel vint me faire la leçon m'accusant de manquer de respect à la mémoire de mon père. Gabriel. Quel pauvre con ! Il est bien le dernier à pouvoir légitimement donner ses manières de respect, lui qui, pas si longtemps avant la mort de papa, l'humilia, l'abrutissant d'insultes, le faisant pleurer, jusqu'à ce qu'à genoux, papa en larmes le supplia et lui demanda pardon.
Vraiment, est-ce à lui qu'il est légitime de dispenser des leçons de respect ? Et s'il n'y avait que ça !

Désormais et à jamais, avec Gabriel, quand je suis contraint de le voir aux réunions de famille, les seuls mots que j'échange et échangerai seront « bonjour» et« au-revoir».

Neuf petits-fils de pute !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant