De l'étrange réunion de famille qui suivit la rédaction de ce livre et à laquelle je participai, il est permis de rêver. Les rapports avaient bien changé. De Pierre-Jean, je me suis rapproché. Avec lui, je passai quelques jours. Ma soeur Paule ne fut jamais aussi souriante et avenante avec moi. Mon frère Gabriel déclara de lui-même forfait. Il ne vint pas. Ma soeur Clémentine vint à pleurer dans mes bras, touchée par mes écrits. Mon frère François me confia qu'en bien des circonstances Paule eut à prendre ma défense devant son époux. Ce dernier m'évita soigneusement. Il n'en tint pas moins ses propos racistes, mais pas devant moi. Avec mon frère François, nous eûmes longue conversation. Nous parlâmes de Clémentine comme de Benoite, la fille ainée de Gabriel. François comme Pierre-Jean se souvenait de Gabriel adolescent courant jusque sous la table de la salle commune avec un couteau de cuisine après Clémentine, la menaçant, ne sachant pas pourquoi. Elle avait bien de quoi avoir peur, en effet. Enfin, je présentai mes excuses à mon frère Marie-Jacques. Il en pleura. Pascal, retenu par son travail ne pouvait malheureusement pas être là. Quant à ma mère, elle reconnu à Pierre-Jean m'avoir parfois plongé la tête dans l'eau pour me calmer. Elle m'a cependant demandé de venir la voir. Je le ferai. Elle sera pardonnée.
De Benoite, tous avaient la préoccupation, mais bien tard. Ma nièce, la seconde fille de Pierre-Jean, se souvenait même que Benoite lui eut demandé à peine adolescente «si c'était normal que son père la regarda se laver le minou dans la salle de bain». Le mal est fait. François me dit que Benoite n'avait pas un comportement naturel. Pierre-Jean m'en dit tout autant, avec les mêmes mots, et séparément. Clémentine m'en avait déjà parlé pour sa part. Fasse que ce traumatisme à son tour ne dure pas sur plusieurs générations.
Pierre-Jean me confia que petit, Gabriel était le préféré de maman recevant trois cadeaux quand lui un ; le petit ange n'était presque jamais puni pour ses fautes. Voilà comment l'on fait les salauds : par l'impunité ! Le châtiment vient bien tard, mais il vient. Le voilà au ban, Gabriel ! Et je ne l'en plains pas. Son propre fils ne veut plus voir son père. Seul, il finira.
Et c'est à moi qu'est revenu la charge de dévoiler tous les secrets. Eh Dieux ! J'en pleure de l'avoir trop longtemps porté seul. Si je l'eus dit plus tôt... Mais, l'aurais-je vraiment pu plus tôt. Ou eut-il fallut attendre encore après la mort de maman ? Mon besoin, ma nécessité a conduit à le faire maintenant, sans soucis de vengeance, ou de présupposés compliqués ; mais simplement parce qu'il était temps de mettre fin à cet étouffoir !
Ainsi vont les secrets de famille ! Faisons les mourir avant qu'il ne soit trop tard ! Qu'ils ne portent pas plus de dégâts qu'ils n'en ont déjà commis et libérons la parole ! Libérons-nous des faux-semblants ! Il est tellement meilleur de devenir soi-même sans avoir à porter les poids des autres.
Et maintenant, ouvrons l'avenir sur de plus heureuses perspectives. Me voilà réconcilié avec moi-même, sans complaisance, ni pour moi, ni pour ceux qui ont fait le mal.______________
Oh, que j'aimerais que note histoire familiale s'achève de façon si heureuse. Mais de ce rêve, je crains qu'il restera une illusion. Chacun a fondé sa famille. Moi pas. J'ai 26 neveux et nièces, je ne les connais même pas tous. Et j'ai encore plus de petits-neveux et de petites-nièces. A vrai dire, je n'en connais vraiment aucun. Les lignées s'éparpillent.
Et la pensée qui me vient maintenant, c'est que, pobablement, la dernière fois où nous nous verrons sera pour la sépulture de notre matriarche. Au delà, que nous restera-t-il encore à partager ? Je n'ai pas de réponses à cette questions. Et je pense tristement qu'il ne restera qu'une diaspora qui s'oubliera.LE CHANT DES SIRENES
Adieux secrets d'antans !
Ô regrets amers
Balayez vos tourments !
Vogue la galère
Qu'enfin à leurs doux chants
Pleurent les sirènes,
Leurs douleurs, les purgeant.
La coupe en est pleine
Mais vidée de ses sangs.
J'ai la grande foi :
Viendra l'heure sereine
Du cœur à ses lois !
La beauté sera reine,
Et pardon donné
Chantera ritournelle,
Musique apaisée,
Aux plaies en kyrielle
Eteintes à Jamais.

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Neuf petits-fils de pute !
No FicciónAu travers des portraits des membres de sa familles, le narrateur remonte, comme une enquête, l'histoire de sa famille, et en particulier, celle qui fut versés aux non-dits et au secret. Mais il faudra attendre les ascendants pour comprendre le flux...