41 | ℕ𝕠𝕪𝕖́

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𝕄es yeux affolés restent rivés au loin, vers le point minuscule qu'est le scooter de la sauveteuse, encore immobile.

Le cœur battant toujours la chamade, je peste intérieurement contre l'eau qui ralentit mes mouvements. Elle m'arrive à la taille quand la voix d'Aleks résonne depuis le rivage :

— C'est bon, Séraphin ! Wels le tient.

Mais je n'ai que faire de cette annonce. Porté par l'adrénaline et mon instinct de protection viscéral, je poursuis mon avancée, puis plonge sous les yeux interloqués des baigneurs. Imperméable aux interrogations qui fusent autour de moi, je recommence à nager comme si ma vie en dépendait. Je prends pourtant beaucoup trop de temps pour rejoindre leur position.

— Akim ! Ça va ?

— Il va bien, déclare Welsley, avant d'ajouter d'un ton sec : Sèche tes larmes, ranger.

Son mépris, je m'en cogne. Mon regard reste braqué sur Eliakim.

Cramponné à la bouée reliée à Wels, il dérive dans son sillage avec épuisement. Je le saisis machinalement par la nuque lorsqu'il arrive à ma portée.

— Ça va, halète-t-il, complètement hors d'haleine.

Je le suspecte de vouloir me rassurer, comme Aleks avant lui. Il n'y a aucun doute sur le fait qu'il ait vu la mort de près avec sa poussée d'héroïsme. Ses yeux, rougis et encore exorbités, sont la preuve de sa frayeur.

Indifférent à son sort maintenant que je les ai rejoints, Wels se détache de la lanière reliée à la bouée et reprend un rythme de nage normal. Il nous distance sans se retourner.

— Qu'est-ce qui t'a pris d'intervenir ? ne puis-je m'empêcher de gronder tandis que nous retournons vers la plage. On est entourés de sauveteurs, t'as oublié ?

— Il... hurlait, pour qu'on l'aide... Je ne pouvais pas, rester là... et ne rien faire.

Ça, je peux le comprendre. Je suis mal placé pour lui faire la leçon et, de toute façon, ce n'est pas le moment. Ses bras fatigués peinent à mouliner. Le voir galérer avec une simple brasse me donne envie de le prendre sur mon dos pour l'emmener sur la terre ferme. Mais je doute qu'il soit friand de l'idée. Alors, malgré son visage accablé et son souffle bien trop court, je me contente de nager à ses côtés jusqu'à ce que nous arrivions sur le rivage. Impossible toutefois de le regarder se traîner hors de l'eau sans aider. Dès que nous avons à nouveau pied, je récupère la bouée et le saisis solidement par la taille.

Akim se blottit contre moi, grelottant de froid et de faiblesse. Sauveteurs et flics nous entourent bien vite, manifestant bruyamment leur soulagement. Parmi eux, je décèle aussi la voix criarde de ma sœur.

Épouvantée, elle geint :

« Seigneur ! Que s'est-il passé ? »

Améthyste reste dorénavant auprès de nos parents lorsqu'Eliakim est avec moi. Le lien émotionnel qui subsiste entre eux lui permet vraisemblablement de ressentir la détresse de son veuf, d'où cette apparition catastrophée.

— Je vais bien, s'acharne-t-il à répéter. Laissez-moi juste... le temps de... reprendre mon souffle.

Le pauvre est à la limite de s'écrouler à peine arrivé sur le sable. Aleks et moi le soutenons jusqu'à le ramener sous la paillote, où il s'assoit sur un des bancs de pique-nique. La cheffe secouriste demande que les badauds soient écartés. Elle insiste ensuite pour prendre les constantes d'Eliakim, vérifier avec lui qu'il n'ait pas trop bu la tasse, et toutes ces autres mesures prises après un incident de ce genre.

Entre-temps, je récupère la couverture thermique que me tend un collègue et la place sur les épaules d'Eliakim, que je frictionne machinalement. Mon regard pèse néanmoins sur Améthyste. Elle opine, comprenant que je ne puisse lui faire un rapport détaillé de la situation au milieu d'une telle foule, et s'assoit aussi auprès de lui tandis qu'il reprend petit à petit ses esprits.

Séraphin en mission [MxM | 🔞]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant