Chapitre 10 : « Tu es April Anderson, et personne ne veut te couper la tête. »

1.6K 122 9
                                    

 « I'm friends with the monsters, that's under my bed ; get along with the voices inside of my head » tentait de chanter (abominablement faux) Chloé dans sa douche, « Picture me in a hospital, the blood runs cold.. » lui répliquai rageusement Léo qui préparait des cercueils d'alcool pour les plus aventureux des invités d'Elaine, qui, d'ailleurs, n'était toujours pas arrivée, et Christian et moi ne parvenions pas à nous arrêter de rire... Comment aurait-il pu en être autrement ? J'avais bu tout ce que j'avais pu depuis ce midi, et j'avais désormais largement dépassé le taux d'alcoolémie moyen – celui auquel les gens normaux considèrent qu'il faudrait qu'ils aillent dormir ou vomir. Mais je n'en avais rien à faire. Quand j'avais réalisé que ni Chloé, ni Léo n'étaient drôle, j'étais allée trouver mon très très bon ami que je venais de rencontrer, le styliste qui travaillait dans l'Atelier. Je n'avais pas tardé à le persuader de me rouler un joint – les artistes avaient toujours de quoi faire la fête, n'est-ce pas ? Et de me montrer la robe. Il m'avait créé une très jolie robe d'Alice au Pays des Merveille, sauf qu'elle était très très courte. J'avais pouffé, et dit :

- Vu comment je suis, t'aurais dû me déguiser en Chat de Cheschi... Checha.. Chai plus parler...

J'avais failli fondre en larme, mais je m'étais bientôt reprise.

- Non, je pleure pas, je vais très bien ! D'accord ? Je suis April Anderson, la préférée, et je vais très bien ! Ma sœur me traque, écrit des articles sur moi, mon grand-père vient de mourir, Clément m'a fait vendre un collier, je vais aller en Enfer parce que je baise avec mon meilleur ami, mais je vais très bien ! Tu comprends ?

Complètement dérouté, le styliste ne fit rien d'autre que hocher la tête, et effriter son shit.

- Pourquoi tu fais ça ? Tu t'es pris pour Marvin, c'est ça ? Vous êtes des déchets, les gars... Dépêche-toi d'allumer le joint ! Non, non, j'ai rien dit, j'en veux pas. Arrête !

Quelqu'un ouvrit la porte d'entrée, et je sortis de l'Atelier, de toutes façons, je n'avais rien à faire avec ce Christian, qu'avait-il à m'apporter ? Il ne comprenait rien, ne se dépêchait pas de rouler, ne faisait rien de bien. Je lui avais demandé une robe, il m'avait fait Alice alors que j'étais le chat qui fait peur. Tout le monde avait peur de moi ! Comment aurait-il pu en être autrement ? J'étais la royauté du monde, j'étais la méchante, la dépravée qui couchait avec son meilleur ami, qui ne respectait pas le discours qu'on lui donnait, qui vendait son héritage, qui refusait de voir sa famille.

C'était Clément qui était entré, et il fit une tête bizarre en me voyant.

- Qu'est-ce qu'il y a ? Je suis pas ta préférée à toi ? Ce serait cool pourtant. Tu me suivrais partout, tous les jours, pour écrire de magnifiques articles à propos de à quel point je suis un bon coup. Ce serait cool, non ?

Le Baxter, affreusement gêné, se retourna vers mon colocataire, toujours occupé à mélanger dix bouteilles d'alcool pour créer la boisson de la mort.

- Elle est...

- Complètement morte ? finit Léo, absolument.

- N'importe quoi, tout va très bieeeen ! Tout va très bien. Je suis la royauté du luxe, je suis blonde, je suis Alice, tout le monde m'aime, à part la reine de cœur. C'est qui la reine de cœur ? Elinor ? Elle veut me couper la tête ? C'est pour ça qu'elle me suit partout ?

J'avais peur, très peur. J'étais sur le point de m'auto-assomer avec une bouteille de vodka, quand Clément me prit dans ses bras :

- Non, tu es April Anderson, et personne ne veut te couper la tête.

J'étais certaine de l'avoir entendu ajouter « enfin, je crois ».

- Tu es sûr ? Moi je suis pas sûre. Elle est là, quelque part...

April By NightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant