Chapitre 4 : « Ouvre-moi, j'ai la Smirnoff ! »

2.4K 144 15
                                    

Il était huit heures du soir, et on pouvait officiellement me remettre la palme de la fille la plus stressée du monde. D'ailleurs, j'étais surtout sur le point de rendre mon estomac... Il était, de toutes façons, fort probable que je me mette d'une minute à l'autre à pleurer, boire toute la bouteille de vodka, raconter mes petits secrets à Elaine (qui, très concentrée, tentait depuis plus d'une trentaine de minutes de boucler mes cheveux à la manière parfaite de Katherine dans Vampire Diaries) et Chloé (qui, elle, était en train de m'appliquer tant de couches de fard à paupière sur les yeux, que j'avais peur de me voir transformée en panda, juste histoire que tout le monde soit bien au courant que j'étais maquillée).

- Je suis tellement fière de toi ! Tu vas faire ton premier concert ! pépiait Elaine entre deux coups de fer à friser

- Concentre-toi, tu vas brûler ses cheveux ! grogna Chloé entre ses dents

- Au moins, ce n'est pas de ma faute si elle a tellement de couches de fond de teint qu'on dirait une orange !

Je fermai les yeux, espérant que cela suffirait pour que je ne les entende plus et/ou que je ne leur vomisse pas dessus. Dans les deux cas, c'était très loin d'être gagné.

- Tiens, je t'ai fait un café ! me fit Léo, très fier de lui.

J'allais probablement le tuer. C'était très gentil de sa part de me faire ingurgiter des quantités incommensurables de caféine, mais j'étais déjà assez stressée comme ça. Ce dont j'avais besoin, c'était d'un d'un énorme joint, accompagné d'un bon mètre de shooters, ce que Clément aurait compris, s'il avait daigné venir, au lieu de s'enfermer chez lui pour réviser je ne sais quelle opération de la vésicule biliaire, ou une autre opération visant à sauver des vie, affublée d'un nom impossible à retenir... Non non, moi, je devais boire café sur café, et les papillons dans mon ventre commençaient à faire vraiment très mal... Et j'avais l'interdiction formelle de me plaindre, car Elaine et Chloé, qui chantaient toutes les deux très faux, auraient adoré être à ma place. Au lieu de cela, elles s'occupaient gentiment de mes cheveux, de mon maquillage, et de me trouver les vêtements qui, selon elles, seraient assez rock pour que je ne fasse pas honte au groupe de Léo, et assez sexy pour que je ne ressemble pas à un sac à patate noir. Au bout de seulement une demi heure de disputes rageuses, elles étaient revenues (de grands sourires placardés sur le visage) avec une robe noire imprimée de jolies marguerites, dont la jupe bouffante m'arrivait à peine plus bas que la culotte ; mais elles avaient évidemment pensé à ce détail, m'affirmèrent-elles en sortant un body de dentelle noire se terminant en shorty. Je soupirais en attendant la suite, qui arriva sous la forme d'un perfecto de cuir, un collant plus transparent que noir, et une paire de chaussettes noires montantes qui m'arrivèrent au milieu des cuisses. Je désespérais de passer, encore, pour une prostituée de bas étage, lorsque Chloé me tendit sa paire de Jeffrey Campbell Lita noires, des collectors, avec des lacets dorés, et une phrase écrite probablement en gaélique formait un cercle. Elles étaient magnifiques ; la blonde refusait de me les prêter depuis toujours, prétextant qu'elles étaient son porte bonheur et qu'elle ne pouvait pas se permettre de les abîmer... Comme si moi, April Anderson, j'étais capable de causer le moindre mal à une paire de JC ! Parmi les 187 paires de chaussures en rang d'oignon dans mon dressing, je pouvais certifier qu'aucune d'entre elles n'avait la moindre égratignure, le moindre petit signe de vieillesse. A part la paire de converse. Mais elles sont hors-jeu. Bref, elle avait enfin accepté de me prêter ses chaussures porte-bonheur, et c'était génial : habillée ainsi, j'aurais l'air d'une prostituée de moyen-étage.

Je fis un gros bisou à Chloé, puis poussai tous mes colocataires hors de ma salle de bain (enfin, celle que je partageais avec la propriétaire des chaussures qui habitaient mes rêves), enfilai la tenue qu'on m'avait spécialement ordonné de porter. Je jetai un regard au miroir, et dû bien reconnaître que, habillée ainsi, je ressemblai plus à l'image que je me faisais de la déesse du rock qu'à une prostituée – qu'elle soit de bas, moyen ou haut étage. Je ne m'étais jamais doutée que ma coloc blonde puisse avoir un tel coup de pinceau, elle qui ne se maquillait pour ainsi dire jamais. Quant à Elaine... Elle était la mannequin coqueluche des fashion weeks depuis 2 ans maintenant, elle n'avait donc pas de véritable mérite à savoir manier les vêtements et les fers à friser avec tant de brio. Mais, malgré tout cela, je devais avouer que j'avais beaucoup de chance de les avoir de mon côté, tous autant qu'ils étaient.

April By NightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant