April By Night

Chapitre 1 : « Si je suis un déchet, t'es la poubelle. »

- Mais     t'es complètement tarée ? rugit Clément à l'autre bout de la     salle...

Pour être tout à fait honnête, ça, c'était bien la dernière chose à laquelle je m'attendais... Qu'est-ce que ça signifiait ? Que John avait réussi sa vendetta ?

Juste parce que, la veille, Ella, Elaine et moi étions entrées dans son appartement, avions saccagé une grande partie de son salon, écrit des gros mots au rouge à lèvre sur les miroirs, bu toute sa réserve d'alcool et dansé sur ces horribles chansons qu'ils nous infligent en boîte de nuit jusqu'à ce que ses voisins portent plainte pour tapage nocturne, juste pour ça, il avait fallu que John aille se plaindre à Clément ; histoire que ce dernier décide de venir faire irruption dans mon appart, pour m'expliquer à quel point mon comportement était absolument inacceptable.

Mes comparses et moi venions tout juste d'émerger – il faut dire que nous n'étions pas vraiment rentrées tôt, et qu'au vu de tout ce que nous avions bu, c'était un véritable miracle qu'il n'y ait pas de vomi partout sur le sol. Et que je n'aie pas la gueule de bois. En fait, il était quelque chose comme 18 heures, et nous étions toutes encore en pyjama.

De toutes façons, il l'avait mérité, ce trou des fesses. Le très célèbre John Groison – qui en réalité, s'appelait Jean Renard, même s'il refusait catégoriquement de l'admettre et qu'il serait devenu fou s'il venait à apprendre que je connaissais la vérité – ancien mannequin et désormais styliste de renommée internationale, avait cru pouvoir sortir avec Elaine, la rendre complètement folle de lui, lui offrir des diamants pendant des mois et la demander en mariage, pour finalement changer d'avis et la quitter sans préavis, quelques semaines avant la grande cérémonie ? Non. C'était impossible. Et puis, ladite Elaine était ma colocataire et, très franchement, même si je l'appréciais énormément, elle était devenue complètement insupportable depuis que l'autre imbécile l'avait jetée telle une vieille patate germée. Il avait donc fallu que nous agissions pour que 1) Elle arrête de me soupçonner d'être la raison de leur rupture, 2) Elle arrête de vouloir se moucher sur tous les vêtements qui traînaient (apparemment, elle avait acheté et vidé toutes les boîtes de mouchoirs des trois monoprix les plus proches, et, surtout, que 3) Elle puisse se venger.

Bref. Cet imbécile de John avait, une fois de plus, refusé de prendre ses responsabilités, et avait chargé Clément de nous engueuler lui-même, comme s'il était notre père. Elaine avait fui le terrain de bataille, prétextant une séance photo (et je savais qu'elle n'en avait pas, parce qu'après tout, elle n'aurait jamais accepté de faire la fête jusqu'à l'aube si elle travaillait le lendemain. Elle avait beau avoir pris l'habitude de se comporter en adolescente écervelée la plupart du temps, elle avait tout de même, au fond d'elle, assez de conscience professionnelle pour ne pas faire ce genre de folies avant un événement important) et il ne restait plus, dans l'appartement, que Clément, 25 ans, en pleine crise de paternité, sa cousine Ella, 16 ans, et moi. April Anderson, héritière d'une entreprise estimée à plusieurs dizaines milliards de dollars, et ayant par quelque étrange ressort du destin décidé de s'installer en colocation avec 3 énergumènes (à savoir Elaine, Chloé, et Léo), totalement et irrémédiablement incapables de se supporter, ainsi que de se répartir des tâches simples, telles que le ménage – j'en parle parce que je venais juste d'apercevoir qu'aucun d'eux n'avait débarrassé la table du petit déjeuner de la veille. Ceci dit, j'aurais aussi pu le faire, mais on m'avait demandé de babysitter Ella – quelle sorte de parents ressent le besoin de faire babysitter leur fille de seize ans par une presque inconnue, qui se trouve être la meilleure amie du cousin de leur fille ? Non, sérieusement, c'était une situation des plus tordues. Mais ma vie entière était une situation incongrue, alors je ne m'étais pas posé plus de questions.