(2)

771 50 13
                                    

« Quand on ne sait pas où l'on va, tous les chemins mènent nulle part. »


Elle me scrutait avec ses tout petits yeux bleus, plein de compassion, presque attendrissante. Derrière son air de bonne samaritaine, je percevais son agacement. Elle attendait des excuses que je n'étais pas prête à donner. Même en sachant pertinemment que je les lui devais.

Ses doigts pianotaient sur son bras trop fin, la patiente lui faisait défaut. Malgré tout, elle gardait son calme cherchant sans doute à contourner le problème. C'était son truc à elle, trouver les solutions. Moi, je me jetais à gorge déployée dans les ennuis. Elle cessa de gigoter, fronça les sourcils puis son visage se détendit. Elle craquait la première.

    - Il est temps de grandir Cherry, déclara-t-elle. Je ne t'hébergerai pas une nuit de plus.

    - Laisse-moi au moins le temps de trouver un truc.

Elle grimaça, bien décider à mettre cette ultime menace à exécution. J'ouvris grand mes yeux et la regardai d'un air choqué. Me mordillant la lèvre inférieure, je plongeai mon regard dans le sien en y mettant tout le désespoir que je pouvais. Ça marchait toujours, son grand cœur ne pouvait ignorer une âme en détresse. Mais au lieu de craquer, elle se retourna vers son homme. Gabriel, ses bras bien musclés croisés sur sa poitrine, nous observait sans ciller même lorsque ses mèches brunes vinrent chatouiller son visage bronzé. Il ne cessait pas non de m'assassiner du regard. Il m'avait en horreur, voyant clair dans mon jeu depuis toujours. Mais il se contenta d'un grognement afin de soutenir les propos de ma sœur. Elle comprit le message et me fusilla du regard, ignorant d'un mouvement de tête mon cinéma.

   - La meute dispose de quelques logements en ville...
   - Ah ça surement pas !, m'exclamai-je. Tu ne m'enverras pas chez ces individus ! Je préfère encore dormir sous un pont !
   - Cherry !, me sermonna-t-elle en jetant un coup d'œil à son mec.

Je voyais mon cadavre flotter dans les yeux de ce dernier. Il tourna la tête, reprenant le contrôle de son loup, il caressa distraitement les cheveux blonds de Joanna. Il n'était aucunement envisageable que j'aille squatter chez les loups.

   - Gabriel est assez aimable pour essayer de t'aider, poursuivit-elle. Contente-toi d'accepter et de faire enfin quelque chose de ta vie.
   - Je m'en sors très bien toute seule !

Elle ricana en me toisant comme elle seule pouvait le faire. Elle travaillait comme chercheuse à l'université de sciences, elle avait brillamment réussi sa vie professionnelle, et côté amour ne s'en sortait pas mal du tout. Contrairement à moi, j'étais aussi brune qu'elle était blonde, aussi petite qu'elle était grande, ma vie sentimentale aussi vide que ses disputes conjugales. J'avais très vite abandonné mes études de littérature pour bosser dans un magasine au rabais qui avait fini par fermer. Et nos parents ne cessaient de me rappeler à quel point Joanna était un model à suivre.

Il y avait eu Baptiste. Il y avait eu cet événement. Et j'étais descendue plus bas que terre, refusant de continuer sans lui. Juste pour un mec. Ça ne me ressemblait pas, tout planter pour un gars que je n'avais fréquenté que quelques mois. Mais l'histoire était un peu plus compliquée que ça.

   - Joanna, l'interpellai-je.

Elle cessa sa plaidoirie dont je n'avais saisie pas même un mot et me prêta toute son attention.

   - Je vais me reprendre, cette fois c'est bon, lui affirmai-je ma décision était prise.
   - C'est la meilleure chose à faire, m'encouragea-t-elle. Et nous t'aiderons.
   - Donc, je peux rester encore un...
   - Tout est déjà arrangé, intervint le brun enfin sorti de son mutisme. Tu n'as qu'à prendre tes maigres affaires et me suivre.

Cherry moi, s'il te plait.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant