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« Chaque larme qui coule est un poids en moins dans mon cœur. »


Je fixai la porte de la chambre depuis ce qui me paraissait être une putain de longue heure. J'avais sagement obéi aux ordres du grand Loup, me mettant à nue pour eux. Enfin, je mettais doucher et donc laver de toutes traces de parfums. Ils pouvaient me humer sans éternuer, et percevoir mes émotions. Ce qui revenait à me lire. Parce que j'étais le genre de personne trop émotif intérieurement. D'apparence, j'étais une femme discrète, bien que grande gueule, gardant un air détaché en toute circonstance, prenant le plus grave avec un minimum d'humour. Mais au fond de moi, les souvenirs me hantaient, allant jusqu'à me briser. Et ce qui m'attendait derrière cette porte m'effrayait. J'allais devoir leur parler, leur raconter. Me livrer. Et chaque mensonge ne ferait que jouer avec leur patiente.

Quand enfin la porte pivota sur ses gonds, un homme droit comme un piquet me fit face. M'observant de ces petits yeux d'un bleu délavé, il affichait un air presque rêveur avant de m'adressait un sourire dépourvu de chaleur.

- il vous attend, déclara-t-il avec un léger accent me laissant à penser que le français n'était pas sa langue maternelle.

Je me levai, nous faisions la même taille. Mais j'étais en talon. Encore un mec plus grand que moi, pensai-je. Et il s'en retourna, sans même s'assurer que je le suive. Alors que j'aurai pu rester sur place, ou partir en courant à l'opposé. Histoire de me perdre, de me tordre la cheville, ou qu'il me saute dessus pour me démembrer. Mais en bonne prisonnière, je suivis le Loup me menant à l'abattoir.

Nous empruntâmes un escalier menant à une petite pièce sans fenêtre, passâmes sous une arche pour débouler sur une seconde loge ouverte sur d'autres marches et je découvris une vaste pièce sans ouverture sur l'extérieure. Mon regard se posa sur les trois grandes cages disposées contre un mur, puis sur les canapés installés en face. Sur l'un d'eux, confortablement installé, l'Alpha semblait perdu dans ses pensés. Il ne leva pas la tête à notre entrée, ne nous accorda pas son attention lorsque son sbire me fit entrer dans l'une des cellules, et ne salua pas ce dernier lorsqu'il prit congés.

- l'attente et tout, pour me faire stresser, commençai-je. C'est pas un peu cliché ?

Il ne releva pas. Bien, s'il voulait jouer au roi du silence, on allait jouer.

Je m'assis en tailleur bien en face de lui, en notant dans un coin de mon petit cerveau que se mettre ainsi par terre avec dix centimètres de talon était une chose stupide. Heureusement, il ne se décidait toujours pas à me regarder. J'entrepris de jouer une mélodie en tapotant mes ongles sur les barreaux. J'étais une experte dans l'art de faire du bruit sans utiliser ma bouche et ça avait le chic d'énerver les gens. J'entamai un "vive le vent", parce qu'il me fallait encore six mois pour voir le Père Noël. Et six mois, dans une cage, allaient être long. Puis, vu le manque d'agitation de mon geôlier, je passai à "Petit Papa Noël". Et en panne d'inspiration quand celle-ci fût achevée, je tapai aléatoirement.

Tout à coup la raison de son silence me parut évidente. Il me scannait. Avec son nez, scrutant mes émotions. Heureusement que mon insouciante avait embrumé mes pensés, enfin hormis la soudaine pique de panique qui le fit réagir.

Ses yeux dorés se plantèrent dans les miens, provoquant un frison sur tout mon corps. Il s'extirpa avec la grâce du loup de son siège et s'immobilisa à deux pas des grilles.

- Baptiste Laurent, prononça-t-il.

Une vague remonta dans la gorge et je retins les quelques larmes qui me montèrent aux yeux. Et sans quitter son regard, je relevai la tête fièrement. Il sourit.

Cherry moi, s'il te plait.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant