Chapitre 11

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- Quel vin prendrez-vous pour accompagner ce poisson, monsieur ?

- Qu'avez-vous à me proposer ? En blanc, bien sûr.

Je tortille ma fourchette dans tous les sens. Depuis son bref entretient avec Vi, Thibault est... comment dire... bizarre.

Lorsqu'enfin le serveur nous quitte, je ne peux m'empêcher de l'interroger.

- Qu'est ce qu'il y a, Thibault ? Depuis ce matin, tu me parais changé...

Il prend mes mains dans les siennes et chuchote :

- Tout va bien, je t'assure.

Je le scrute, m'efforçant de trouver une faille, une preuve de son mensonge.
Il a l'air préoccupé, fatigué, presque résigné.

Mais que lui a-t-elle dit, bon sang ?

Je suis violemment ramenée à la réalité quand, malencontreusement, mon regard se pose sur une jolie jeune femme, un foulard sur le crâne.

La tumeur.

Ma tumeur.

Je retire mes mains des siennes. Il cesse alors sa contemplation de la nappe blanche sur laquelle sont posées nos assiettes et porte toute son attention sur moi.

J'ouvre la bouche. Aucun son ne sort.

Je ferme les yeux.

- J'ai eu de violents vertiges quelques heures avant que tu n'arrives.

Je souffle et rouvre les yeux.

Je continue, mon regard ancré dans le sien.

- Je suis allée faire un checking complet à l'hôpital... Et j'ai deux nouvelles : une bonne et une mauvaise.

Il se lève et vient se mettre à genoux à côté de moi.

Je reprends.

- La bonne nouvelle, c'est que les vertiges ne sont qu'un symptôme de fatigue : l'oreille interne n'est pas endommagée. La mauvaise...

- La mauvaise ?...

- La mauvaise, c'est qu'ils ont trouvé une tumeur dans mon cerveau.

Je le vois se décomposer lentement, son regard vaciller et ses paupières se fermer.

Il ne baisse pas les yeux, la tête toujours tournée dans ma direction.

- Non... Non... Non...

Il me supplie du regard, comme si cela dépendait, ne serait ce qu'un peu, de moi.

- C'est opérable, pas vrai, Lara ?

- Elle est située dans mon cerveau, Thibault, alors c'est risqué... Mais on va essayer.

Un court silence suit ma repartie.

- Quand ?...

- Vendredi. Une chance qu'ils aient de la place, dis-je, un sourire triste au coin des lèvres.

Il se redresse et m'enlace.

Je me demande, à cet instant précis, si j'aurais vraiment pu faire face à cette épreuve seule.

Comment aurais-je fait ?

Je ne sais pas.

Ce que je sais encore moins, c'est comment cela a pu m'arriver...

Thibault se place derrière moi et passe ses bras autour de mon cou.
Il pose ensuite sa tête au creux de ce dernier, inspirant fortement.

- On va y arriver, me susurre-t-il doucement, on va y arriver.

GoneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant