Chapitre 18

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Je plonge mon regard dans le sien. Il essaie de comprendre ce que je ressens, comment je réagis. Je le sais, les mots qui vont suivre seront importants. Je n'ai pas le droit de fuir. Pas maintenant, pas encore. Il mérite que je trouve les bonnes paroles, celles qui pourront panser la plaie béante qui déchire peut-être son cœur : cette plaie que je connais très bien.

-Dis quelque chose. S'il te plaît...

Son ton de voix suppliant me sort de ma rêverie. Je dois parler, en effet, mais pour dire quoi ? Pour lui dire qu'il se trompe ? Que l'amour, ce n'est pas cela ? Qu'il ne sait pas ?

- Je t'aime aussi, David. Mais comme un frère. Et je suis désolée si je t'ai laissé croire que ces sentiments pourraient jamais évoluer en autre chose, je...

J'hésite. Il pourrait mal interpréter la fin de ma phrase.

- Ne me dis pas que tu es désolée. Ne demande pas pardon.

Ses grands yeux bleus tentent encore de me cerner. En vain. Comment le pourraient-ils alors que moi-même je ne saurais expliquer ce qu'il se passe en moi ? Il ferme les paupières et reprend, me cachant toujours ses iris.

- Ce qui est frustrant avec toi, Lara, c'est que tu n'as jamais rien fait. Jamais. Il n'y avait rien d'ambigu. Et ça me tuait de m'apercevoir chaque jour un peu plus que tu ne voyais rien. Pourtant, j'ai essayé, crois-moi !

Il secoue la tête et encadre son visage de ses mains. Lorsqu'il arrête ses mouvements presque frénétiques, ses yeux sont humides. Oui. Il les as rouvert, comme pour que je puisse assister à l'extériorisation de sa douleur.

- Si je n'ai pas vu, c'est parce que je te considérais comme mon ami ! Le meilleur que j'ai jamais eu !

Il pouffe. Il rit, de ce rire ironique et moqueur, à la fin de ma réplique. Qu'y a-t-il donc de drôle ?

David

Je ris. Oui. J'ai préféré rire plutôt que pleurer. Comment ? Amis ? Non. Elle s'est toujours voilé la face parce que c'était plus facile de faire semblant de ne pas comprendre. Je reprends enfin mon souffle.

- Pardon ? Non, j'ai bien entendu ? Amis ? Tu n'as fait que me torturer durant ces vingt dernières années ! N'ose jamais dire que tu me considérais comme un simple ami. J'étais ta bouée de secours. Tu te sentais faiblir et tu venais vers moi. Et moi j'aimais ça, j'aimais ta souffrance parce qu'elle me rendait important à tes yeux. Et tu le savais. Je pouvais le lire, c'était inscrit dans ton regard. Tu as toujours eu pitié de moi.

C'est à son tour de rire et au mien de ne pas saisir la portée joyeuse de ma tirade mélodramatique. Qu'y a-t-il donc de drôle ?

Elle s'esclaffe. Elle rit, de ce rire amer et visqueu. Elle met une main tremblante devant sa bouche. Tous ses gestes sont saccadés et elle se met à pleurer. De rire. A pleurer de rire. Encore une fois : mais que se passe-t-il ?

- Non, non, mais c'est drôle que tu dises ça...

Première nouvelle ! Explique-moi tout !

- Non parce que, c'est la même chose pour toi. Tu te plains en disant que je me suis servie de toi, mais tu faisais pareil. C'est pour ça qu'on a toujours été si proches ! Parce qu'on se servait l'un de l'autre. On fait ça depuis que l'on sait parler, David.

- Tu mens., je réponds du tac au tac. Je n'ai pas fait ça. Pas une seule fois. Et tu sais pourquoi ? Mais parce que je t'aime, bordel !

Silence. Au moins, on ne se hurle pas dessus.

- Je ne voulais pas ça. Je t'adore et je ne pourrais jamais vivre sans toi, David. Et je veux que tu saches que je ne pense pas ce que je dis depuis les cinq dernières minutes.

GoneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant