Chapitre 20

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Le vol a été long. Je ne sais pas depuis combien de temps maintenant je me répète cette vérité, postée devant ce lever de soleil magnifique. La baie vitrée fait vraiment tout le charme de cet appartement. Aucun nuage ne vient troubler le ciel, comme aucun bruit ne trouble ma contemplation. Les battements de mon coeur résonnent dans mes oreilles. Le son est si intense que c'en est douloureux. Je ressens sa présence, la présence de cet organe que l'on représente toujours sous une forme qui n'est pas la sienne. Parce que le coeur n'a pas une forme de cœur. Comme s'il s' était retranché sur lui-même pour ne plus avoir de forme définie. Il y a un voile sur mon coeur, un voile ou un étau, peu importe, mais cela le comprime. Je la ressens physiquement, cette présence imaginée. Elle est imprégnée en moi.
Un léger brouillard descend sur la ville. Belle image. Je souris. Parfois, j'ai véritablement l'impression que la nature imite mes sentiments. Créativité nulle, si c'est le cas.
Je baisse la tête. Ma valise est collée contre moi. Je n'ai même pas pris le temps d'enlever mes chaussures ni d'accrocher mon manteau. Ma guitare est là, posée devant moi, calée contre la vitre. Je fais glisser les roulettes de cet objet gris qui me gêne et m'accroupie. Je regarde longuement la housse de l'instrument avant d'oser l'en sortir. Ma classique au bois clair. Je joue quelques accords. C'est tout ce que je peux faire. Je n'ai pas la force de dormir, d'aller m'affaler sur ce canapé à deux pieds de moi ni d'ôter mon manteau. Rien, rien ne peut me soulager si ce n'est jouer de la guitare. Chanter, ce ne sera pas possible. Aucun son ne sort de ma bouche.

Je ne trouve pas les mots mais j'ai tant à dire...

Do majeur, deuxième renversement.
La mineur, premier renversement.
Mi mineur.
Si mineur.
La bémol mineur.

Tout est fade. Tout.

Je me torture pour rien.

David ne voudra plus de moi. J'ai fait du mal à Jackson. Je n'ai pas pris de nouvelles de ma meilleure amie depuis des lustres. Ce Enzo est comme une ombre...

Et cette opération me hante. Comment oublier cette fameuse nuit ? Comment oublier cette chambre, ce lit, cette chaise, ce blanc ? Ce chiffre ? Qui aurait cru que je me ferais ouvrir le crâne dans la chambre ayant servi de dernière demeure à ma mère ? Jamais je n'aurais imaginé cela. Mais, je sens que mon deuil est fini. Je crois même que je vais bien, concernant ce sujet. Le seul, sûrement, parmi les tant d'autres qui préoccupent mon esprit. Cette nuit, en vérité, fut la plus constructive que j'ai vécue depuis longtemps. Et je me sens bien. J'ai fait les bons choix, je le sais. Avoir quitté Thibault était nécessaire. On ne vit pas dans le passé. Encore un point de clarifié.

Pour Victoire, elle comprendra. Je le sais. Elle me connaît mieux que personne. Elle me pardonnera.

Enzo, inconnu si éloigné de ma vie et pourtant si proche de moi, semblerait-il, je m'en soucierai plus tard.

Jackson, lui, il faut l'oublier. C'est ce qu'il fait probablement déjà, de son côté.

Quant à David... David, il faut que je le voie. Que je lui parle. Que nous essayions d'aller de l'avant.

Je passerai à l'agence. Aujourd'hui.

Je soupire. Que cela fait du bien de faire le point, d'organiser un peu sa vie !

Je respire. Je repose enfin les yeux sur l'instrument que j'ai laissé il y a de cela quelques instants pour m'adonner à ces réflexions. J'effleure les cordes.
Soudain, tout se simplifie. Il faut que je me laisse faire. Que je me laisse être.
Et les mots passent d'eux-mêmes le stade de pensées. Je chante. Je chante et cela me libère. Et je vis.

À cet instant, j'ai la pure conviction que tout va bien aller.

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 30, 2016 ⏰

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