6. Se rendre à l'évidence

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"Ce n'est pas vrai, mais C'EST PAS VRAI! Je suis MAU-DI-TE!"

Je ponctuais chaque mot d'une tape rageuse sur le volant de ma voiture. Une antique mini cooper de 1985, rouge et gourmande en carburant. Je l'adorais même si c'était son toit aux couleurs du drapeau anglais qui m'avait séduit plus qu'autre chose. Elle ne me l'avait jamais fait regretter jusque-là.

Mais après une journée aussi harassante, là, c'était le pompon ! Cette vieille guimbarde refusait de démarrer et pour ne rien arranger, il pleuvait. Dans moins d'une heure, je devais être à la librairie où je bossais à mi-temps. Alors que tout ce que je voulais, c'était filer loin mais alors très loin de cette école et surtout loin de LUI. Le nouveau, le beau gosse, le succulent, le ... Bref, celui-auquel-je-ne-veux-pas-penser, mon Voldemort à moi.

Je frôlais la crise cardiaque (pour changer tiens, marmonnais-je pour moi-même) lorsque quelqu'un frappa à la fenêtre de mon côté. Occupée à martyriser ma voiture, je n'avais pas pensé au spectacle que je devais donner avec mon chignon flou à moitié défait, que cette petite crise ne devait pas avoir amélioré, dans une voiture aussi vieille que Mathusalem à la couleur criarde. Une voiture qui laissait passer tous les sons, qu'ils soient extérieurs à l'habitacle ou... Proférés par une hystérique de l'intérieur.

Les joues déjà rouges à l'idée de la scène que je venais de donner, je crus qu'elles allaient s'embraser en voyant qui était mon interlocuteur.Kelen... Mais bien sûr, de toutes les personnes qui auraient pu assister à mon show, c'était lui le principal spectateur. Hourra !

Pour couronner le tout, il avait enfilé une veste en cuir noir qui le mettait plus en valeur encore. Oui, c'était possible...Oh mon Dieu une fois encore !

Je baissais prudemment ma vitre:

"Oui?", dis-je de la façon la plus paisible possible.

Le sourire qu'il me fit éveilla d'étranges papillons au sud de mon anatomie, dans une région que je préférais ignorer en cet instant. Il faisait chaud tout à coup, non ?

"Je crois comprendre que tu as des ennuis, princesse... Je venais voir si tu avais besoin d'aide. Je m'y connais un peu en mécanique..."

Je n'hésitais qu'une seule seconde.

"Oui! Elle refuse de démarrer, si tu sais m'aider, je te serais éternellement reconnaissante!"

"Alors, dis le..."

Je le regardais perdue. Dire quoi ? L'épisode de ce matin me revint alors en mémoire. "La prochaine fois que tu auras besoin d'aide" avait-il dit.

"Dis que tu as besoin de mon aide, dis mon nom. Princesse..."

J'envisageais un instant de fermer cette fenêtre et de lui opposer un parfait mépris drapé de dignité. Je lui en ficherais, moi, du Princesse ! Mais premièrement, j'avais vraiment besoin d'aide quoi qu'il m'en coûte de le reconnaitre et deuxièmement, le temps que je ferme les fenêtres à l'aide du levier, toute ma "dignité drapée" aurait eu le temps de se transformer en un ridicule sans nom.

Avec un calme que je ne ressentais pas, je murmurais :

"Peux-tu m'aider Kelen, s'il te plait?"

Il fit mine de n'avoir rien entendu. Bon d'accord, je n'avais pas vraiment été audible, moi-même, j'avais eu du mal à m'entendre. Je me répétais plus fermement. Je goûtais à nouveau la saveur de son prénom sur ma langue. Et d'après l'éclat qui animait ses yeux, ce qu'il avait entendu ne le laissait pas non plus indifférent. "Pour tout ce que tu voudras, Princesse, vraiment tout !

"Pour tout ce que tu voudras, Princesse, vraiment tout !"

Son regard intense planté dans le mien me donnait l'impression de fondre littéralement sur mon siège en cuir. Impression qui ne fit que se renforcer quand il vint se pencher dans l'habitacle pour actionner l'ouverture du capot. Ses cheveux caressant ma joue, son odeur emplissant l'atmosphère et son épaule frôlant l'arrondi d'un sein firent réagir mon corps aussi tôt.

La Tentation d'AliceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant