Chapitre 2

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Je me réveille, me heurtant à un vent si glacial que j'en tremble. Cela fait presque une semaine que j'ai été choisie par Pioche. Depuis, on organise mon voyage jusqu'au palais et mon arrivée au palais avec pointillisme et dans les moindres détails. La fenêtre est grande ouverte me faisant claquer des dents. Je m'habille et débarque dans la cuisine, bondée de monde. Ma mère est en tailleur, mon père en costard, Alice est vêtue d'une robe bleue qui lui va à ravir, moi d'une fine chemise de nuit. Des photographes me bombardent de photos, des journalistes tentent désespérément qu'un mot sorte de ma bouche et une femme aux cheveux gris me fixe, les yeux plissées. Zut, le rendez-vous avec la presse ! Tous me dévisage et se lance entre eux des regards interrogateurs du genre "euh, c'est cette mocheté en chemise de nuit en laine de mouton qui va s'afficher au côté du Prince ?". Je les laisse penser et vais manger une poire. Alice brise le silence qui s'était installé lors de mon entrée :

"-Bonjour ma sœur préférée, dit-elle en passant son bras au dessous du mien, vas te changer immédiatement, ajout-elle, les dents serrées, un sourire étincelant plaqué sur les lèvres. Une magnifique robe t'attend sur ton bureau et du maquillage qui t'ira à la perfection..."

Elle me pousse légèrement vers ma chambre et retourne bavasser avec les journalistes. Je remarque que la femme aux cheveux gris me fixe toujours. Je trouve la robe étalée sur mon lit, courte, jaune, à froufrous et paillettes accompagné d'un maquillage rose. Pas du tout mon style. Je me force à enfiler la robe et m'appliquer du mieux que possible à mettre le mascara, du rouge à lèvres, du fard à joue et à paupières, et toute sorte de cosmétiques datant d'anciens siècles. A mon retour, Alice sourit d'un air satisfait, les photographes m'éblouissent de leurs flashs et les journalistes prennent des notes sur ma tenue. Je souffle bruyamment, oppressé ma robe. On m'interviewe, me prend en photo durant des heures si bien que je vais tomber dans les pommes. Je sors discrètement dehors sur la pointe de mes hauts talons. Je m'effondre dans la neige froide qui me brûle les joues de froid. De la buée s'échappe de mes narines. Je n'ai pas froid malgré la neige et le verglas. Je ferme les yeux. Me voilà embarquée pour la plus terrible expérience de ma vie durant un an. Un an sans ma famille, sans Bambette, sans ma liberté. j'entends qu'on m'appelle pour le journal télévisé, seule chose technologique que tout le monde possède. J'accours, les cheveux parsemés de neige. Je m'installe au près de ma famille. Il se fait silence dans la cuisine.

"- Bonjour et bienvenue mes dames et messieurs pour ce journal du 15 décembre ! Moi, John France, votre présentateur préféré vous dit bonjour et passe directement au faits du jour. Comme vous le savez chaque décembre, le prince tire au sort six jeunes filles de la population qui vont séjourner au palais en sa compagnie pour un an. Vous l'avez compris, je parle bien évidemment de la Pioche ! Je vous  annonce maintenant les prénoms des candidates : Flo Berlata, jeune femme d'origine italienne au charme irrésistible, Meredith Whiten, américaine et fière de l'être, Sydney Ally, à la beauté renversante, Kathleen Alpert, plus sexy que jamais, Sue Eden, belle tigresse aux allures félines et Kimberly Alvet, jeune paysanne à fort caractère. Je vous laisse en compagnie du Prince Logan qui vous dira en quelques mots ses premières impressions envers les "piochées".

Un homme, à la musculature terrifiante, aux cheveux blonds comme les blés, aux yeux ténébreux et aux fossettes craquantes se place devant un pupitre et prend la parole :

"-Hum, hum, hum. Messieurs, mesdames, en tant que Prince je me dois de dire aux familles des candidates que leurs progénitures sont tout simplement sublimes. J'ai hâte de les rencontrer et d'apprendre à les connaître. Je sais que les adieux seront durs mais elles seront vites réconfortées je vous l'assure étant donné que je leur ai préparé une surprise à leur hauteur... Au revoir, à demain et à dans  une semaine pour mes futures poupées !"

Je manque de vomir. Ses belles fossettes ne me font plus rien à présent. Logan est égoïste, arrogant, dégoutant, tout comme notre société. Quant aux sélectionnées, elles sont à couper le souffle, surtout Meredith. Hélas, je ne pense pas avoir ma place aux côtés des "piochées" et encore moins  ceux de Logan. Ma mère éteint la télé et renvoie d'un geste de la main les journalistes et tout le tintouin. Il ne reste plus que la femme aux cheveux gris qui me rejoint sur le canapé. Elle me sourit d'un air mielleux et engage la conversation :

"- Bonjour Kimberly, je suis madame Helto, je serais ton manager durant une année au palais. Comme tu l'as vu, le prince te réservera des tas de surprises amusantes ou romantiques avec les autres candidates, mais, si l'envie de te voir seule prend le prince tu sera obligée d'accepter . C'est que j'interviens. Je t'informerais chaque jour des sorties prévues, des rendez-vous galants, des promenades dans le parc et des thèmes de chaque soirées. Voici mon numéro, dit-elle en me tendant un petit bout de papier griffonné de chiffres.

- Mais, je n'ai pas de téléphone, je n'ai pas le droit, remarquais-je...

- Oh mais si tu en a un, regarde, s'écrie-t-elle avec joie en sortant un petit paquet cadeau de derrière son dos."

J'enlève délicatement le papier cadeau et découvre un la septième merveille du monde. C'est un I phone 6s, un téléphone très réputé au XXI ème siècle. Les bords sont incurvés, les parois sont teintés d'un beau turquoise et l'écran est gigantesque.Beaucoup trop technologique pour moi... Je vois Alice fulminer intérieurement de jalousie, d'ailleurs, sa peau vire au vert. Je remercie madame Helto de ce merveilleux cadeau avant que nous nous disions à demain pour préparer mon premier contact avec le Prince qui aura lieu dans trois jours. Trois jours déjà... Une fois madame Helto partie, la vie retourne à la normale ; ma mère prépare le souper, mon père s'installe et lit le journal, Alice s'enferme dans ma chambre pour profiter des restes de maquillage sur mon bureau et moi, je me change dans une tenue confortable, ma sacoche de dessin sur l'épaule, mon portable dans celle-ci. J'arrive en moins de deux au repère de Bambette, une grotte parsemées de feuilles d'arbres. J'aimerais la prendre en photo pour la garder toujours avec moi avant que je parte pour l'enfer.

"- Bambette, Bambette, m'écriais-je !"

Soudain, je la vois sortit de l'ombre, son museau marron en premier. Elle se frotte contre moi et je lui rend son étreinte. Je sors doucement mon portable pour ne pas l'effrayer, sélectionne l'application "photo" et appuie sur le déclencheur. La photo n'est pas très belle à cause de l'obscurité de la grotte mais le flash a su arranger les choses. Je dis au revoir à Bambette et gravit une petite colline pour avoir une meilleure prise de vue. Je pose mes fesses sur un rocher et sors des feuilles rigides et du fusain. Ce soir, le ciel est rose orangé, comme je l'aime. Je trace des nuages allongés sur ma feuille, rajoute des couleurs, dessine les conifères épineux de la vaste forêt et gribouille vite-fait le château princier au loin. Je me passe d'y ajouter des couleurs mais passe du temps sa cascade majestueuse qui surplombe un balcon de marbre énorme. Finalement, peut-être que cet endroit n'est pas si horrible, il y a des fontaines, des jardins comme me l'a dit madame Helto mais un prince à vomir y habite. Mon inspiration s'en va, laissant place à un sentiment de dégout.  Rien que de repenser à son discours minable, j'ai la nausée. Je remballe mes affaires de dessins et m'en vais, le cœur saignant de tristesse. 











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