Chapitre 6

31 5 0
                                    

L'horloge du clocher royal sonne. Je me dépêche d'appliquer de la laque sur mes cheveux regroupés en chignon sur les conseils de Tina et Nina qui sont venues me donner un coup de main toute à l'heure. J'ai catégoriquement refusé d'appliquer du maquillage, en ayant déjà mis ce matin. Comme on dit, trop de maquillage tue le maquillage. Je lisse ma robe bien qu'elle soit déjà parfaitement droite. Je suis rongée par le stress à cause de cette danse avec Logan, je ne veux pas qu'il me touche de ses mains baladeuses... Je mets des escarpins blancs, haut de 11 centimètres ce qui est énorme pour moi. je prends au passage un petit gilet pour masquer mon dos, en espérant qu'on ne forcera pas à l'enlever. Je vois les chambres des autres filles vides, celle de Logan aussi. Tina et Nina m'ont informé qu'il y aurait un buffet ce soir au lieu du dîner traditionnel. Au bout de seulement cinq minutes de marche -ou plutôt de randonnée avec ses hauts talons- dans les couloirs et appartements du château princier, je m'assois sur le sol et enlève mes chaussures. Ce ne sont pas des chaussures mais des instruments de torture. Je continue alors ma recherche de vie dans le bâtiment.

"-Te voilà Hello Kitty, je te cherchais partout, s'écria une voix partagée entre homme et femme."

C'est mon garde qui m'interpelle. Je suis presque contente de le voir, sinon, on m'aurait retrouvée morte dans les salons de thés royaux. Je lui explique rapidement ma situation ce qui le fais rire. Son rire est si aigu que j'ai presque envie de lui demander si c'est une femme ou un homme. Il, ou elle me conduit vers la grande salle dans laquelle je suis arrivée ce matin.

"- Merci euh...

- Jude, me dit-il.

- Va pour Jude en attendant que je te trouve un surnom, dis-je."

Jude s'en va rapidement. Une douce musique flotte à mes oreilles, de la musique classique. Je me dirige vers le balcon surélevé qui donne sur la salle de bal. Le tableau est à couper le souffle. Les femmes sont vêtues de robes somptueuses, montrant avec élégance leur dos, pour certaines musclés, d'autres maigres et d'autres bronzés. Les hommes sont tous torse-nu, seul manière de dénudé leur dos. Les musiciens jouent ensemble, les serveurs apportent des plats extravagants, même les gardes se lâchent en se balançant d'un pied à l'autre. J'aperçois au loin Jude et son éternelle mèche blonde. Je meurs d'envie d'aller chercher une toile et des pinceaux mais me retiens. Je descends une à une les marches amenant au centre de la piste ce qui me vaut les regards émerveillés des gens. Je jette un œil derrière moi. Personne n'est là, je suis la dernière. C'est donc moi qu'ils regardent ? Logan s'arrête de danser avec une fille et ouvre la bouche de stupéfaction. Seule la musique continue. Mon arrivée terminée, le bal reprend son cour.

Les heures passent, mon ennui s'accentue, mon ventre se remplit, ma tête devient lourde et le sommeil me gagne. Je regarde les gens danser, l'esprit ailleurs, encombré de souvenirs. Je repense au jour où, par un bel après-midi d'été, mon père m'avait appris à danser. Valse, tango, polka, salsa, je les connaissais par cœur. Hélas, j'ai tous perdu vers mon adolescence. Mais examiner les pas des gens fait resurgir en moi tous mes souvenirs. La tête ailleurs, je n'avais pas remarqué que Logan se tenait devant, le même sourire amusé sur les lèvres. Je lève la tête et le fixe. Il veut danser et je veux me cacher dans un trou de souris. Logan me tend sa grande main, je pose la mienne dans la sienne par politesse et le suis sur la piste de danse. A ce contact mes poiles se dressent. Il faut que j'arrête définitivement de le toucher. Les musiciens entonnent une musique douce totalement appropriée pour le type de danse que nous allons exécuter : la valse. Nous positionnons, le tiens l'épaule de Logan et lui mes hanches. Les autres piochées me jettent des regards noirs ou verts, rageurs et jaloux.

Un deux trois, un deux trois.

Je suis un peu hésitante au début et ne fais que regarder mes pieds mais me détend vite et regarde Logan. Je rougis violemment quand il m'adresse un clin d'œil. Petit à petit, j'oublie l'assemblée royale, les musiciens, les serveurs, Jude, la Pioche, mon passé. Je suis focalisée sur les yeux de mon partenaire, ou plutôt les deux saphirs qui lui font office d'yeux. Lui aussi examine chaque partie de mon visage. Soudain, je me reprends : un peu plus et je lui tombais dans les bras. Et puis, il y a Alice et les caméras filmeront dès demain, je ne veux pas la faire souffrir d'avantage... Je me jure intérieurement de ne jamais éprouvé quelque sentiment envers Logan, excepté la haine et la colère. Je me détache de lui et cours vers l'issue la plus proche  et fuis vers l'issue la plus proche qui n'est autre qu'une fenêtre. Je passe mes jambes par en travers la fenêtre avec une souplesse surprenant et retombe sur le sol froid et humide. J'enlève les escarpins et cours sur la pelouse trempée de rosée. Rien se semble m'arrêter à part...Jude. Il est devant moi ou plutôt, elle... Une jeune fille d'environ quatorze ans, au visage chérubin, entouré d'une chevelure blonde me fixe de ses yeux noisette, la bouche entrouverte de surprise. Je reconnais mon garde du corps à ses cheveux, personne n'en a d'aussi clairs.

"-Bonjour mademoiselle, me dit-elle, puis-je vous aider ?

- Qui êtes-vous, demandais-je demandai-je ?

- Mary, la fille du jardinier, répondit-elle.

- Mary, Jude,  Michelle tant que vous y êtes !, m'exclamais-je, dévoilant sa vraie identité."

Les yeux de Mary se voilent de colère. Elle m'empoigne le poignet et m'emmène derrière un buisson.

"-D'accord Hello Kitty, tu a découvert qui j'étais mais pas un mot, compris ?"

J'acquiesce.

"-C'est quoi ton nom, lui demandai-je ? Le vrai, pas Jude, ni Mary ou Michelle, plaisantai-je.

- Alicia."

Son prénom me fait penser à ma sœur.

"-Si tu veux savoir pourquoi et comment j'ai atterri ici, c'est très simple. Mes deux parents sont alcooliques alors j'ai fugué et ai trouvé du réconfort dans l'armée. Personne ne sait que je suis une fille mais s'il le découvre, je suis morte, j'ai donc besoin de ton silence.

- Tu as quel âge, intervins-je ?

- 15 ans."

J'ajoute une autre promesse à celle de toute à l'heure, je resterai dans la Pioche pour protéger Alicia, cette espèce de "mini Alice". Je lui souris tristement et rejoins ma chambre. Je me démaquille et me déshabille et tombe dans les bras de Morphée très rapidement, la bouille agaçante de Logan en image devant mes yeux.





La PiocheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant