chapitre 18 et 19

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chapitre 18


« C'étaient les fous qui dirigeaient l'asile. »

June

Je n'ai jamais été aussi heureuse de ma vie d'être un lundi.

Comme il pleuvait un peu ce matin-là, j'ai mis une couche supplémentaire de spray lissant, en priant pour que ça marche, avant de monter dans la voiture d'April. May était recroquevillée sur la banquette arrière, sa capuche rabattue sur les yeux et son iPod réglé à plein volume. Elle ne m'avait pas parlé depuis le vendredi soir, mais je m'en fichais, puisque je ne lui parlais plus non plus.

Le dimanche, April avait tenté plusieurs fois de m'adresser la parole, mais à chaque fois, je l'avais envoyée bouler direct : en claquant la porte, en filant au rez-de-chaussée, ou en allant prendre une douche. J'ai dû me laver les cheveux trois fois ce week-end-là, sans même me les sécher, tellement j'étais en pétard. May me suivait comme une espionne débile, et April acceptait un rancard avec un mec pour le tenir éloigné de moi ? (Jalouse, elle ? Si peu...) Je me sentais totalement trahie. Après tous les efforts que j'avais faits pour ne plus lire dans leurs pensées, en plus ! Maintenant, ce qu'elles pensaient ne m'intéressait même plus. De toute façon, April essayait toujours de me faire flipper, en me faisant la liste de ce qui risquait d'arriver, de ce qu'il ne fallait pas faire... Pour autant que je sache, ses « visions » de moi et de Julian et des gyrophares pouvaient très bien être un effet de son imagination.

Si vous avez besoin d'une part de folie refoulée, passez en prendre une tranche à la maison, on a tout ce qu'il faut. Franchement, mes sœurs croyaient que je ne pouvais pas me débrouiller toute seule, alors que c'étaient elles qui débloquaient. C'étaient les fous qui dirigeaient l'asile. Mais j'étais à un cheveu de me faire inviter par Mariah à Cabo, et je n'allais pas laisser mes sœurs gâcher ça aussi.

Avec la conduite de tortue d'April, on a mis des heures pour faire la route du lycée. Pendant tout le trajet, May est restée roulée en boule à l'arrière, sans râler une seule fois, ce qui était bien le signe qu'elle faisait la gueule. Quand j'ai mis la radio pour écouter une chanson qui me plaisait, une pensée lui a échappé et a flotté jusqu'à moi.

« Me casser. »

Je n'ai pas réagi. J'ai continué à me lisser les cheveux, super zen. Je ne peux pas sécher sans qu'April ait une crise d'apoplexie, et May rate les cours comme elle veut ? Très bien ! « April sauvera le monde sans moi, ai-je songé. Il y a une maison qui m'attend à Cabo. »

Avec Mariah, on s'était envoyé quelques textos le dimanche. J'avais écrit : « Cabo sa a l'R top ! », et le temps qu'elle me réponde deux heures plus tard, j'étais sur les nerfs, à me dire qu'elle avait oublié, qu'elle avait trop bu et qu'elle n'avait jamais eu l'intention de m'inviter.

Puis, enfin, la réponse est apparue sur mon écran de portable : « Ta pa iD » et j'ai improvisé une petite danse au milieu de la cuisine, pour bien montrer à mes sœurs que pour moi, tout allait très bien, merci.

En revanche, c'était pas la joie dans cette Voiture de la Mort et du Triste Sort.

Dès qu'April s'est garée, je suis descendue en claquant la portière super fort, rien que pour l'énerver.

– June, attends ! m'a-t-elle crié.

Mais j'ai monté les marches sans me retourner.

Et j'espérais bien qu'elle allait voir la suite du programme.

Dans les couloirs, j'ai croisé des gens de la fête qui m'ont dit bonjour. Derek, bien sûr, qui m'a fait signe en me souriant avec ses dents de lapin, et j'ai aussi salué deux filles qui voulaient désespérément devenir amies avec Mariah. Le mot « Cabo » rebondissait dans leurs têtes à elles aussi, et j'ai souri d'un air bienveillant en disant : « Ça roule ? »

april may & juneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant