chapitre 20 et 21

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chapitre 20


« Faut qu'on y aille. Tout de suite. »

May

Ô miracle des miracles. Tout le reste de la famille était sorti vivre sa vie et je me retrouvais enfin seule à la maison.

Ç'aurait pu être super, sauf que c'était vexant.

C'est vrai, quoi, mince. Je venais de décider de les planter là pour mettre les voiles, et mes sœurs faisaient quoi ? Que dalle ! June la fouineuse télépathe n'avait même pas cherché à me tirer les vers du nez. April la voyante petit chef n'avait même pas essayé de faire sa maligne en me donnant la météo du Texas. Apparemment, je ne les intéressais plus du tout. J'étais peut-être restée invisible trop longtemps.

Pas grave ; ça n'était plus mon problème. J'avais mon plan.

J'ai jeté sur mon lit un sac marin tiré du fond de mon placard, et j'ai commencé à le remplir pour partir à Houston. Mon père n'aurait qu'à faire avec, et moi, j'apprendrais à vivre avec les cow-boys et le climat subtropical humide. J'allais peut-être m'y sentir chez moi et arrêter de disparaître tout le temps.

Au moins, ça craindrait moins qu'ici.

En préparant mon sac, j'ai descendu un paquet de Curly et mis de la poudre orange partout sur mes fringues. Mais je m'en fichais complètement. J'étais de plus en plus en colère. Quand j'ai jeté mes chaussettes dans mon sac, elles ont failli rebondir à l'extérieur tellement je les ai lancées fort.

« Waouh, j'ai mis le turbo », ai-je pensé, avant de réaliser que c'était une expression de June.

Voilà que je l'imitais. Il était grand temps que je m'en aille.

J'avais prévu de partir le lendemain matin. Je ferais semblant d'aller au bahut et je reviendrais chercher mon sac une fois la maison vide. J'avais de l'argent – l'avantage, quand on ne sort jamais, c'est qu'on fait des économies. Je pouvais aller en taxi à l'aéroport, prendre un avion et être à Houston avant que mes sœurs rentrent de cours. J'avais l'adresse de mon père et mon portable. Oh, et aussi, je pouvais me rendre invisible. Que demander de plus ?

En prime, je raterais le contrôle d'histoire européenne du lendemain matin, mais tout à coup, en me rappelant ça, j'ai pensé à Henry, ce qui m'a fait penser à gerber, ce qui m'a écœurée des Curly, moi qui ne suis pas capable d'en laisser un dans le paquet.

Je me traînais vers la buanderie, avec mon sac dans une main et le paquet de Curly dans l'autre, quand on a sonné à la porte.

J'avais vu assez de films pour imaginer que ça pouvait être le monstre de Scream avec son masque d'Halloween qui venait me déchiqueter. Sauf que moi, je pouvais me rendre invisible. Qu'il essaie un peu de me tuer, ce crétin. Quoi, ça ne vous plaît pas, les revirements de situation ?

Mais à la porte, il y avait pire que le type de Scream : Henry.

J'ai planqué le paquet de Curly derrière mon dos.

– Oh, ai-je dit. J'ai cru que c'était un assassin.

– Heu, non. Je sais que tu me détestes, mais je n'ai jamais tué personne.

Je me suis adossée à la porte.

– Alors ? Tu vends des billets de tombola ? Tu fais une collecte pour les SDF ?

– Tu as un contrôle demain. Je me suis dit que tu avais peut-être besoin d'aide.

Les Curly se sont retournés dans mon estomac.

april may & juneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant