« Je rêve ou Maé est déjà défoncée ? »
Devant moi se déroule une route de goudron cabossée, paumée au beau milieu de la cambrousse. À bord de la vieille Ford de mes parents, devenue mienne par l'usure et la crasse, je fais la navette entre la soirée de Mace et le quartier d'Hershel. Il y fait déjà chaud : derrière moi planent les relents d'un parfum surdosé mêlés à ceux de la sueur d'avant-fête.
Je tiens le volant dans la main droite et me recoiffe de l'autre. Un boys-band pas terrible gueule à travers l'autoradio. Mes passagers ont l'air d'être contents : Maé chante à tue-tête, Benjamin tweet sans relâche, Ana rigole à gorge déployée et Sylvester se colle à elle.
Mais au fond, brinquebalé entre une portière mal fermée et le couple enlacé, Cesar soupire. Et dire qu'il n'a même pas conscience de l'honneur qu'est d'effleurer mes banquettes arrières...
« Ben alors le Marsouin, on s'amuse pas ? je lui demande en jetant un regard dans le rétro.
— Si si, j'attends juste qu'on arrive, il répond en émettant un sourire timide. Syl et Ana me bavent dessus.
— Oh c'est pas vrai, on a à peine rien fait... » ricane l'intéressé.
Je lève les yeux au ciel. Moi aussi je prie pour ne plus avoir à supporter les nids-de-poule qui me pompent les biceps tous les vingt mètres. En soi j'apprécie conduire, j'apprécie mon meilleur ami et j'apprécie les fêtes. Mais pourquoi diable a-t-il fallut que la famille Denver soit si riche qu'elle habite une énorme baraque à dix mille bornes de Blurdale ?
Enfin, après une bonne dizaine de minutes à amorcer les pilages de cette fichue bagnole, les pneus de l'auto crissent sur le parking de la propriété. Un coup de klaxon résonne dans la nuit, avant de se répercuter contre les conifères qui habillent les alentours.
« Allez, tout le monde descend. »
Il fait sombre. Vraiment sombre. Benjamin et moi avons le réflexe d'allumer la lampe-torche de nos téléphones. La bâtisse se trouve au bout de l'allée qui se profile derrière les voitures : il va falloir marcher.
Au loin, on aperçoit sans mal le manoir qui fera office de salle des fêtes. La musique est si forte que les murs battent la chamade. L'ossature tremble, vibre la terre, mon thorax, mes dents, je sens les graves s'emparer de ma poitrine.
La baraque prend place au milieu de la campagne comme un gros cœur illuminé, prêt à éclater. C'est très certainement l'une des masures les plus somptueuses que j'ai jamais vues : mêlant art-déco et contemporain, elle diffère des autres villas vieillotes de par ses longues terrasses en bois clair et ses meubles de créateurs. Devant elle s'étale un jardin taillé au millimètre, vert et divers au possible. Des putains de bourges les Denver.
Sauf qu'ici, au parking, il règne un silence de mort. Seul se faufile le son feutré des basses qui tonnent au loin, le sifflement du vent qui se calfeutre contre les pins. Les portières qui se claquent, le gravier qui s'écrase, nous nous mettons en route. Mais on a beau bavarder, traverser un parc versaillais en compagnie d'une Maé braillarde, c'est insupportable. Et je pèse mes mots.
∀
La fête bat son plein.
Les gens autour de moi s'embrassent et s'enlacent, sans scrupules, des rires qui empestent l'alcool. Moi je ne bois pas et je suis constamment de mauvais poil car ce soir, c'est moi qui conduit. Triste vie.
VOUS LISEZ
stratosphère.
Teen FictionEt puis celui qu'on appelait Roshe est revenu, bourré de fautes et de mensonges. Kyrel ne l'avait jamais vu : il ne s'intéressait pas à ce genre de gamins. Alors pourquoi lui avoir répondu ?