Ce matin j'ai vidé la quasi-totalité des placards de la cuisine, bouffé la moitié des petits pains, fini le pot de nutella et fait couler le café comme jamais. Moi qui pourtant ne mange jamais autant, je ne sais pas ce qui m'a pris.
Lorsque je me suis réveillé, je planais. J'avais le ventre chaud, les membres engourdis. Du flot de la douche jusqu'à la table du petit déjeuner je n'ai cessé de penser à notre conversation de la veille. Avec un sourire stupide, en plus. J'avais l'impression de revivre les premiers émois de l'adolescence, l'excitation qu'insuffle la nouveauté, l'interdit, le sentiment de plaire à quelqu'un de différent. Ça parait stupide dit comme ça. Mais cela avait suffit à me remonter le moral pour le restant de la soirée.
Mais quand l'heure fut venue de pousser les portes du lycée, toute mon excitation retomba. Aussi brutalement que lorsqu'elle m'était apparue, d'un coup, sans prévenir. Partout, j'avais l'impression de n'être entouré que de couples. De filles avec des mecs, de mecs avec des filles, qui s'embrassent goulûment contre les murs de l'enceinte, sans honte ni retenue. Tous ces jeunes si bien habillés, qui finiront probablement par se marier et fonder une famille, procréer d'enfants eux aussi bien habillés et qui finiront par se lier à leur tour... Un protocole entendu par la totalité de la commune, et auquel il est impensable de déroger. Mais je m'emballe : cette aventure demeura sous les limbes. Personne n'a besoin de connaître les détails de ma vie privée. Cela restera entre nous, comme d'une expérience à vivre avant que notre existence ne tombe dans la routine.
Je suis entré comme si de rien était. Comme tous les jours je me suis rendu à mon casier. J'ai attrapé des manuels que je n'utiliserais jamais, maté Cecelia qui sortait de physique, salué ma bande de requins. Une matinée normale, en soit. Sauf que quelque chose avait changé : je n'ai rien ressenti lorsqu'Anastasia m'a approché.
« Eh, ça va ? m'a-t-elle demandé en voyant mon air distrait.
— Ouais, ouais, t'inquiète pas pour moi, ai-je marmonné sans grand intérêt. Je vais bien. Très bien.
Sur le coup, j'ai eu l'air un peu con : il m'était impossible de lui prêter attention. L'esprit ailleurs, je regardais les élèves passer sans pour autant les voir.
— Oh, d'accord, a-t-elle soufflé en repassant les plis de sa robe. Tu sais, Sylvester et moi ça ne va pas très bien en ce moment...
Je crois qu'elle a essayé de me tester. Mais à vrai dire, je n'écoutais rien.
— Hm-mh. Cool.
Elle m'a fusillé du regard. Puis elle a fait volte-face, emportant Maé dans son sillage – qui passait par hasard en compagnie du groupe – et s'est empressée de grommeler à mon sujet. Mace aussi a eu l'air impressionné, la preuve : il a foncé sur moi juste après qu'elle m'ait quitté.
— Attends, Kyrel sourit ? Il a remballé Ana ? T'es sûr que ça va ? a-t-il lâché sur le ton de la plaisanterie.
— Tout - va - bien, j'ai retorqué en faisant mine d'être agaçé. Ma classe d'anglais vient de passer, il faut que j'y ailles. À plus. »
Vous connaissez la suite. Je l'ai laissé planté là, hébété à côté du distributeur à boissons.
Maintenant je suis assis. Assis à ignorer Mr Maldive, à écouter mes pensées et à jouer avec mon stylo quatre couleurs. Nous sommes un lundi banal. Un lundi de 15 février. Il neige à peine, ou du moins il pleuviote, et les jeunes de la région sortent peu à peu de leur période d'hibernation. Dans une semaine exactement les Sharks et moi partirons à Columbus pour une compétition qui risque de s'avérer tendue. J'ai finis troisième à la dernière, alors je compte bien y remonter ma réputation.
VOUS LISEZ
stratosphère.
Подростковая литератураEt puis celui qu'on appelait Roshe est revenu, bourré de fautes et de mensonges. Kyrel ne l'avait jamais vu : il ne s'intéressait pas à ce genre de gamins. Alors pourquoi lui avoir répondu ?