C'est à partir de la rentrée que les embrouilles familiales ont commencé. Kurt détestait St-Euclyde – université dans lequel il travaille toujours – et ne faisait que râler à chaque fois qu'on le voyait. Il nous foutait le moral dans les chaussettes, à ma sœur et moi. Alors ayant bien compris que St-Euclyde n'était autre qu'un pensionnat féminin, je m'amusais à titiller ses élèves dans le but d'attirer son attention. Sauf que tout ça m'est très vite retombé dessus, sa colère en particulier. Depuis, j'ai appris à anticiper ses réactions et à baisser le nez. Je ne prends plus l'initiative de lui parler ni même de désobéir, alors c'est pour dire...
Ma médiocrité aussi, elle compte : il en a marre. Marre de mes notes, marre de ma tête. Ça éclate et ça se ressent quand il s'adresse à moi, dans ses mots et sa façon de me regarder. En tant que professeur, il n'existe pas pire insulte que celle d'avoir un fils stupide. Pour lui, le fait que je fasse partie de l'équipe de natation n'est qu'une perte de temps que je ferais mieux de combler avec des révisions.
Nous sommes jeudi. Le jour se lève sur la ville, allume les vitres, étire les ombres des chats sur le trottoir, fait danser la lumière. Je me gare près du lycée. Les rayons du soleil effleurent ma peau, caressent ma nuque ; mon blouson frémit sous l'étreinte du vent. Je me mets en marche et réajuste les bretelles de mon sac-à-dos : il ne s'agirait pas de ressembler à Roshe et son allure d'intello.
Je passe le portail du bahut. Les gens ont fini d'affluer et ils se tassent, vers leur classe, ce qui me laisse suffisamment d'espace pour prendre un café sans être dérangé. Je me dirige vers le hall principal. Sauf que contrairement à d'habitude, aucun de mes amis ne semble être arrivé. Interloqué, j'envoies un texto à Mace.
de :: barbie ky à :: Macédoine
(9:08) t au lycee?de :: Macédoine à :: barbie ky
(9:10) reste où t'esde :: barbie ky à :: Macédoine
(9:10) il se passe quoi?de :: Macédoine à :: barbie ky
(9:10) syl est au courant pour toi et ana
(9:10) à la fête
(9:11) et il est pas contentJe fronce du nez. Qu'est-ce que c'est encore que ces histoires...?
Je m'apprête à sortir du hall lorsqu'une figure enfin familière m'apparait. Anastasia. Elle affiche une mine inquiète, comme si elle voulait me parler. Mais sa classe de biologie vient de passer et la rousse n'est pas du genre à arriver en retard. Elle articule une phrase à mon attention : je suis trop loin pour l'entendre. Alors sans comprendre je l'observe disparaître derrière une porte battante, elle et sa grimace figée.
Les couloirs sont déserts. Pourtant, je suis sûr que Mace est en train d'y marcher. Benjamin aussi, Sylvester, Maé et même Cesar. Tout ce cirque est décidemment trop bizarre...
Soudain, comme sorti de nulpart, un gromellement retentit. Je fais volte-face. Mon cerveau n'a même pas assimilé l'apparition d'Ana que l'on m'interpelle déjà :
« Alors comme ça Kyrel Jensberg se tape les meufs des autres, hein ? »
Sylvester entre dans mon champ de vision. Et sans me laisser le temps de rétorquer, son poing rencontre ma joue droite.
La douleur accroche aussitôt ma pomette. Elle irrade dans mes tempes et s'étale vers mon crâne. Éparse, transcendante, je suis si surpris que rien ne sort. Il m'insulte, je me tiens le visage en l'observant ; je sens chacune de mes dents vibrer. Mes phalanges me démangent, ma langue est à deux doigts de le fouetter d'injures presque justifiées, mais je me retiens :
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stratosphère.
Novela JuvenilEt puis celui qu'on appelait Roshe est revenu, bourré de fautes et de mensonges. Kyrel ne l'avait jamais vu : il ne s'intéressait pas à ce genre de gamins. Alors pourquoi lui avoir répondu ?