p.26 › même des nachos ne la feront pas sourire.

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La nouvelle est tombée ce matin :
Sylvester et Anastasia ne sont plus ensembles.

Facebook, twitter, le tumblr du lycée... Toute la planète est au courant de la dispute qui les a séparés dans la nuit du 18 au 19 février. En revanche, peu sont ceux à en connaître les raisons : et c'est précisément ce pourquoi je suis attendu, ce vendredi, au Café Yéti.

Le 19 février, c'est l'anniversaire de la création de Blurdale. Les établissements scolaires ferment pour toute la journée, alors rien ne nous empêche d'aller glander dans notre endroit préféré. En l'occurence Benjamin, Ana, Maé, Darlene et moi (car Mace a un déjeuner de prévu).

Il est aux alentours de midi lorsque je me faufile hors de chez moi, essuyant une remarque désobligeante à l'égard de ma tenue. D'après Jil, porter des vans SK8 est une véritable insulte envers ceux qui pratiquent vraiment le skate.

Je suis le dernier à arriver. Les filles se sont installées à la table du fond, près de la cheminée, et bavardent avec entrain. Ben, quant à lui, s'efforce de patienter sans que son exaspération ne vienne les déranger. Paré de son air un peu trop hautain, je me serais douté qu'il n'apprécierait pas rester seul en compagnie des filles.

« Ah bah tout-de-même ! s'exclame Darlene. On pensait que tu t'étais fait bouffer par Jil...

— Ha. Ha. » je lâche à son intention.

La blonde éclate de rire et m'invite à prendre place sur la banquette, près d'Anastasia. Nous saluons alors la gérante et lui passons commande. Deux assiettes de frites, des nachos au fromage et des bretzels devraient faire l'affaire.

Maé a désormais les cheveux blancs. Exactement comme Jil – mais en meilleure santé j'imagine – si bien qu'il m'est difficile de lui parler sans éprouver une pointe d'agacement au souvenir de la frangine. Darlee, quant à elle, semble au contraire extrêmement fascinée par cette nouvelle coupe tandis que Ben n'est pas du tout de cet avis. Les trois discutent avec animation, animosité pour Benjamin qui n'est jamais content, et deux ou trois nachos viennent se loger dans les boucles de l'importun.

Puis il y a Ana. Les paupières rouges et un maquillage trop forcé, comme pour camoufler ses yeux gonflés, elle tapote nerveusement le rebord de la table. Nous sommes comme invisibles aux yeux des autres, et c'est avec douceur et discrétion que je me penche à son oreille.

« Ana, je suis désolé pour ce qu'il s'est passé avant-hier. Je ne voulais pas te froisser.

Elle croise mon regard. Elle hésite à me croire, car au fond elle me savait la tête ailleurs, mais son ego lui indique de ne pas céder.

— Ana, tu sais que je peux être vraiment stupide parfois...

— C'est bon, c'est bon. Je te crois, elle marmonne en fixant le vide.

— Laisse-moi au moins te réconforter, tu veux bien ? »

Les comissures de mes lèvres s'élargissent, laissant place à ce sourire inquiet qu'elle apprécie tant. Alors sans se presser, la rousse vient se lover contre moi, le haut de la tête à hauteur de mon menton. Lentement, je place ma main au creux de ses reins.

Cela semble la rassurer. Des volutes de fumées s'échappent des plats encore chaud, ses yeux brillent lorsque je la serre contre moi. Elle sent fort le savon, comme si elle avait passé la matinée à noyer ses larmes sous la douche.

« Sylvester est jaloux, murmure-t-elle à voix basse.

— Jaloux de quoi ?

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