"And if you're still breathing, you're the lucky ones, cause most of us are heaving through corrupted lungs."
Mercredi 20 août 2014 – Londres
Ellie grimaça lorsque la porte craqua alors qu'elle se faufilait dans la chaleur de la chambre à coucher de Harry. Il était encore enroulé dans ses draps immaculés, allongé sur le ventre, ses boucles folles dispersées sur son oreiller. Son dos se soulevait régulièrement, au rythme de sa respiration posée, et les rayons de soleil qui s'infiltraient par les persiennes entrouvertes ricochaient sur sa peau laiteuse. La jeune femme avança à pas feutrés sur le parquet sombre, et se dirigea vers la commode sur laquelle était entreposée une petite trousse dans laquelle elle savait qu'Harry gardait des élastiques. Elle mit un peu d'ordre dans sa longue chevelure châtain, et distraitement, se mit à les tresser, ses prunelles grises toujours concentrées sur son petit ami. Son visage opalin était tourné dans sa direction, ses traits fins complètement décontractés. Cela faisait un certain moment qu'elle ne l'avait pas vu aussi serein. Comme si le sommeil lui dérobait ses inquiétudes, ses désillusions le temps de quelques heures. Complètement vulnérable, dépossédé de la façade, des murs qu'il devait élever autour de lui pour être en perpétuelle adéquation avec les attentes du reste du monde.
Avec ses cheveux ébouriffés qu'il avait décider de laisser pousser, son dos qui se soulevait, puis s'abaissait, avec délicatesse. Avec sa fragilité. Les articles dans les journaux ne parlaient pas de ça. Ils ne parlaient pas du garçon qui s'accrochait désespérément à elle, comme à une bouée de sauvetage, quand il avait un peu trop bu. Ils ne parlaient pas du garçon qui ne cessait de lui réclamer des baisers, des étreintes, même quand elle s'efforçait de le repousser parce qu'elle ne supportait pas trop de contact. Ils n'écrivaient jamais sur jeune homme qui l'embrassait toujours au creux de son poignet pour lui souhaiter bonne chance quand elle allait passer un examen, ni de celui qui pleurait avec elle lorsqu'ils se quittaient dans les halls d'aéroport. Ils ne parlaient jamais de cet humain, jamais de lui de cette façon, et cette facette invisible aux yeux du monde, c'était tout ce qu'Ellie possédait.
- Tu sais que tu me fais drôlement peur quand tu fais ça ?
Sa voix rocailleuse, encore remplie de sommeil arracha Ellie à sa contemplation. Le brun était sorti de sa torpeur, ses paupières lourdes se soulevèrent avec difficulté, dévoilant le vert pâle de ses iris. Les lèvres d'Ellie esquissèrent un sourire malgré elle, alors qu'elle s'asseyait auprès de lui sur le matelas, ses pieds nus toujours sur le sol.
- Quand je fais quoi ? Lui demanda-t-elle en dégageant le front du jeune homme de quelques mèches folles.
- Quand tu restes immobile à m'observer. C'est comme si tu t'arrêtais de vivre pendant quelques secondes, alors que tes yeux, eux, me racontent des milliers d'histoires.
Ellie hocha la tête, retint un frisson lorsque les doigts chauds d'Harry passèrent sous son t-shirt, traçant avec pureté les protubérances que formaient sa colonne vertébrale sous sa peau. Elle céda aux supplications silencieuses dans les prunelles embrumées de son amoureux, et se blottit contre lui, sa tête dans son cou.
- Il va falloir que j'y aille, chuchota-t-elle doucement, ses paupières closes.
C'était toujours le moment qu'elle redoutait. L'atterrissage brutal, le retour à la réalité après avoir passé de longues journées dans leur bulle, coupés du monde qui les entourait.
Elle entendit Harry soupirer, sous souffle chaud chatouillant son oreille. Son pouce continuait à se balader dans son dos, traçant des constellations imaginaires, donnant naissance à de petites décharges électriques sur son passage.