Vendredi 17 octobre 2014
Ellie souleva prudemment ses paupières, encore alourdies par le sommeil, cligna plusieurs fois les yeux avant que sa vision ne devienne complètement nette. Elle était toujours dans la même chambre d’hôpital, et les doigts de sa main droite étaient toujours emprisonnés au creux qu’une autre main, beaucoup plus massive que la sienne, mais bien plus douce que n’importe quel matin printanier. Son inconnu était toujours là, la fixait, l’air désemparé. Lorsque leurs regards se croisèrent, Ellie retira précipitamment sa main de son étreinte, mais ressentit un pincement douloureux au cœur, en voyant les prunelles nuageuses du jeune homme se voiler de tristesse.
- Bébé…
- Arrêtez de m’appeler bébé… On ne se connaît pas… Marmonna Ellie en se pinçant l’arête du nez, avant de détourner son regard du jeune homme. Elle ne voulait pas voir la tristesse prendre possession de ses traits au moindre mot qui sortirait de sa bouche.
- Je... Je suis désolé je…
Avant même qu’Ellie ait pu dire quoique ce soit, le jeune homme s’était précipité hors de la chambre. La jeune femme poussa un soupire à fendre l’âme, avant de plonger son visage opalin dans ses mains. Elle se détestait d’avoir été aussi sèche avec lui, alors qu’il était visiblement la seule personne ici à pouvoir l’aider à comprendre ce qu’il s’était passé. Elle s’extirpa difficilement de son lit, puis clopina jusque la salle de bain, et retint une exclamation de surprise en se regardant dans le miroir. Ses longs cheveux autrefois châtain, lui arrivaient désormais au-dessus des épaules, et étaient teints en blond cendré, faisant ressortir le gris de ses yeux. Abasourdie par ce changement radical, elle passa les doigts précautionneusement dans ses cheveux, comme si elle espérait voir réapparaitre quelques mèches sombres, quelques bribes de personnalité qui la rattachaient incontestablement à la jeune fille de 18 ans qu’elle connaissait par cœur et qu’elle avait laissé derrière elle. Elle s’attarda un peu plus sur son apparence et constata à quel point elle avait grandi. Ses traits s’étaient affinés, affirmés en tant que femme, et non plus comme une adolescente.
Elle entendit quelqu’un frapper quelques petits coups contre la porte de sa chambre, et se surprit à espérer de toutes ses forces que c’était le jeune homme qui ne cessait de l’appeler « Bébé » qui revenait l’aider à comprendre la situation. Sauf que ce n’était pas lui. C’était un visage bien plus familier qui se tenait dans l’encadrement de la porte.
- VICTORIA ! S’écria Ellie avant de sauter dans les bras de la jeune brune surprise.
- Je suis là Ellie, chuchota la jeune femme, la voix vrillée par l’émotion de retrouver sa meilleure amie sur pieds, et réveillée.
Ellie n’avait jamais été le genre de personne à se laisser déborder par ses émotions. C’était quelqu’un de très calme, de posé, qui faisait toujours en sorte de dissimuler ses émotions lorsqu’elle était en public. Pourtant, à cet instant-là, devant sa meilleure amie, qu’elle considérait comme sa sœur, Ellie laissa les torrents de larmes qu’elle sentait fourmiller derrière ses paupières couler de façon ininterrompue. Elle la serra contre elle, bien plus fort qu’elle ne l’avait fait depuis qu’elles se connaissaient, c'est-à-dire depuis la 6ème, approximativement. Elle s’accrochait à elle comme à une bouée au milieu de l’océan déchainé. Et même lorsqu’elle mit fin à leur étreinte, elle ne lâcha pas sa main. Victoria, c’était son point de repère, la lumière du phare dans le brouillard, dans la pénombre, qui la ramènerait toujours à bon port. C’était sa maison. Ellie sourit sincèrement pour la première fois depuis qu’elle s’était réveillée. Elle qui détestait qu’on lui touche le visage, laissa Victoria lui attraper les joues, et la considérer quelques secondes, les yeux embués.
