5.

773 41 12
                                    

Lundi 20 octobre 2014

Lorsqu’Ellie ouvrit les yeux ce matin-là, la douce pénombre l’enveloppait encore, lui donnait l’illusion d’être dans son lit, dans la maison familiale. Seulement, la couette dans laquelle elle était emmitouflée ne portait pas la douce odeur de lessive dont elle avait l’habitude, mais un parfum capiteux, apaisant. C’est alors que la jeune femme se rappela qu’elle n’était plus à Brighton, mais à Londres, dans l’appartement qu’elle occupait avec son copain, ou son ami, Ellie ne savait plus vraiment de quoi le qualifier. Harry lui avait gentiment proposé la veille de la laisser occuper leur chambre pendant que lui se contenterait du canapé dans le salon, percevant la gêne qui semblait suinter par tous les pores de la peau de la jolie blonde lorsqu’il avait évoqué la possibilité de dormir ensemble.

Ellie se frotta délicatement les yeux, avant de se redresser dans son lit en s’étirant. Elle frissonna lorsque ses pieds nus entrèrent en contact avec le parquet froid de la chambre, puis navigua prudemment dans le clair-obscur de la pièce pour rejoindre la fenêtre principale dont elle ouvrit les volets. L’air frais automnal fouetta son visage doux, marqué par la fatigue, et la jeune femme laissa une moue adorable prendre possession de ses traits en observant le triste ciel Londonien. Que donnerait-elle pour un petit rayon de soleil… Elle enfila un gilet à grosses mailles noir au-dessus de son fin t-shirt blanc, et noua tant bien que mal ses cheveux courts en un chignon rapide au sommet de son crâne. Ellie laissa ses prunelles grises parcourir plus en détail sa chambre, redécouvrant ce qui avait été leur espace commun, à elle et à Harry. Comme dans le salon, une multitude de cadres photo peuplaient les murs, fragments de vie qu’Ellie avait laissé derrière elle. Sur la commode, près de la fenêtre, trônait un pick-up, ainsi qu’une pile de vinyls que la jeune fille ne put s’empêcher de parcourir, curieuse. Beach Boys, Supertramp, Pink Floyd, Simon & Garfunkel, Beatles… La collection était impressionnante. Elle se surprit à se demander si elle et Harry les avaient choisis ensemble. Ellie leva les yeux et scruta les objets qui s’alignaient sur sa table de chevet. Elle attrapa le livre qui supportait son réveil, et analysa la couverture rose pâle. « It – Alexa Chung ». La jeune femme sourit en reconnaissant le nom de l’animatrice et mannequin britannique qu’elle avait toujours beaucoup admiré. Un peu émerveillée, la jeune femme tourna la première page tachée au feutre noir d’une écriture large et oblique.

« 4/09/2013

J’avais demandé à Alexa de m’en garder un de côté pour toi il y a un petit moment, elle a tenu à ce que tu le l’aies avant la sortie officielle. Elle attend ton avis. Je t’aime. H. xx »

Ellie redéposa l’ouvrage près d’elle sur le lit, et plongea son visage opalin dans ses mains. Ces quelques mots lui paraissaient bizarres, étrangers, comme s’ils ne lui étaient pas vraiment destinés. Comme si le fait même de les lire lui était prohibé. Elle qui ne savait plus qui elle était, elle se demandait combien de temps s’écouleraient avant qu’Harry ne se rende compte qu’elle était bien loin de la fille dont il était tombé amoureux autrefois. Combien de temps avant qu’il ne lâche l’affaire, et qu’il ne l’abandonne, livrée à elle-même. Combien de temps avant qu’il ne trouve quelqu’un d’autre, qui saurait l’aimer, et le rassurer, choses essentielles dont Ellie était incapable à l’instant. Les questions tournaient, tonitruaient dans sa tête, frappaient douloureusement sur ses tempes, l’empêchaient de réfléchir convenablement.

Ellie leva les yeux au plafond, et sentit son cœur bondir dans sa poitrine en repérant un objet familier sur l’étagère au-dessus de son lit. Une boite rectangulaire, en carton mauve, portant à sa surface des inscriptions, majoritairement les paroles de ses chansons préférées, ainsi de des petits mots affectueux laissés par Victoria, Finn, et même l’écriture maladroite de Camille. Ellie se redressa, électrisée, et attrapa à bout de bras cette boîte qu’elle considérait comme son trésor personnel, sa boîte à souvenir. Elle en souleva le couvercle, et l’espace d’un instant, eut l’impression de frôler du bout des doigts la personne qu’elle pensait avoir perdue en se faisant renverser. Elle y attrapa une multitude de bracelets tressés que Victoria lui avait confectionnés depuis qu’elles se connaissaient, et dont Ellie ne s’était jamais séparée jusqu’à ce qu’ils ne deviennent vraiment trop endommagés pour continuer à être portés. Elle y trouva également un porte clé, à l’effigie de Manchester United, un cadeau que Finn lui avait acheté lorsqu’ils étaient allés voir leur premier match ensemble. Elle en sortit des dessins de Camille, des cartes postales qu’elle avait reçues tout au long de sa vie, le journal intime qu’elle tenait lorsqu’elle avait dix ans. Elle y découvrit également des objets qu’elle ne se souvenait pas avoir gardé. Plusieurs places de concert notamment, sur lesquelles était inscrit le même nom, Ed Sheeran, qui ne lui disait absolument rien. Un bracelet en tissu, aux couleurs du drapeau de l’Union Jack, portant l’inscription « Team GB » en grandes lettres blanches. Plus la jeune femme vidait sa boîte, moins elle en reconnaissait le contenu. Au bout de quelques minutes, il ne restait plus qu’un morceau de papier déchiré, taché d’une écriture irrégulière, comme si le message avait été écrit dans la hâte.

ErasedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant