Jeudi 16 juin 2011
Ellie n’avait jamais été le genre de personne à prendre peur quand un obstacle se dressait devant elle. Ellie était courageuse, inconsciente, peut-être un peu trop au fond, et profitait de la moindre occasion pour repousser ses limites. Les effacer. Et s’efforcer de contredire chaque personne qui lui disait « Tu ne peux pas. ».
Il faisait exceptionnellement chaud pour un mois de juin, bien trop chaud pour la ville de Brighton. L’atmosphère étouffante avait obligé la population à s’enfermer dans leurs maisons, les volets rabattus, et les climatiseurs tournant à plein régime. Sauf Ellie Walters. Assise à califourchon sur l’une des plus hautes branches du chêne au fond de son jardin, une cigarette incandescente coincée entre ses lèvres, un marteau dans la main, un clou dans l’autre, la jeune femme tentait tant bien que mal de réparer le toit de la cabane que son père lui avait construite alors qu’elle tenait à peine debout. Alors qu’elle donnait les trois derniers coups de marteau sur la planche qui comblerait l’orifice béant qui trouait le toit depuis plusieurs semaines déjà, Ellie manqua de faire une crise cardiaque en entendant quelqu’un l’interpeler du bas de son perchoir.
- Ellie ? C’est toi qui es là-haut ? Retentit la voix inquiète de sa mère à travers le feuillage.
« Merde merde merde » pesta Ellie en écrasant précipitamment sa cigarette contre le tronc massif de l’arbre avant d’envoyer le mégot derrière son épaule.
- Oui maman, c’est moi…
- Qu’est-ce que tu fais là ?
- Heu… J’avais un peu chaud à la maison, il y a plus d’air frais ici, tenta la jeune femme en se faufilant le plus silencieusement possible par la fenêtre de son havre en bois.
- J’espère que tu n’es pas en train d’essayer de réparer le toit, je t’ai déjà dit que c’était trop dangereux et que ton père s’en chargerait en revenant de chez tes grands-parents…
- Non non je… je faisais juste un peu d’ordre ici pour l’anniversaire de Camille.
- Tu ne veux pas descendre de là ? C’est compliqué de tenir une conversation comme ça, et tu sais à quel point j’ai peur de monter dans cette chose que vous osez appeler une cabane…
Ellie soupira, et se résigna à descendre le filet qui leur faisait office d’échelle pour se retrouver sur la pelouse sauvage qui n’avait pas était tondue depuis un bon moment. Elle se tourna pour faire face aux prunelles inquiètes de sa mère. La jeune fille leva les yeux au ciel.
- Maman…
- Non Ellie, cette chose n’est pas sure, j’ai peur que tu t’y rompes le cou en y montant, ou en y descendant…
- Maman, ça fait plus de dix ans qu’on y joue sans qu’il n’y ait eu un seul accident…
- Quand même, c’est toujours dangereux… soupira Norah en caressant délicatement la joue de sa fille.
Ellie secoua la tête et sourit sincèrement à sa mère. Elle avait beau avoir bientôt 18 ans, sa mère la considérait toujours comme son bébé. La jeune femme passa ses doigts frais sur les petites ridules laissées par l’inquiétude, creusant la peau de sa mère aux coins de ses yeux noisette, et au centre de son front. Ellie avait toujours trouvé sa mère plus belle que toutes les autres femmes. Les traits de son visage étaient emprunts de douceur et de grâce, comme s’ils avaient été tracés au fusain, respiraient la gentillesse et la sérénité.
- Tu avais besoin de moi pour quelque chose ? S’enquit-elle en s’arrachant à contre cœur à sa contemplation.
- Oui, j’ai un souci avec l’ordinateur…