Chapitre 3 : Mystérieuse

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Son regard me hante. A peine rentré chez moi, je m'enferme dans ma chambre. Je n'ai pas eu le temps et l'envie de la ranger cette semaine et cela commence à être critique. Mon lit n'est pas fait, mes cours sont par-terre ensevelis sous des vêtements qui, je ne me souviens plus si ils sont propres ou sales et des paquets de chips que j'ai englouti ces derniers jours traînent sur ma table de nuit. Ce n'est pas très propre. Je prends mon ordinateur qui s'était caché sous un pull rouge hideux soit-dit-en-passant et me connecte sur tous les réseaux sociaux afin de retrouver cette fille, mais même en connaissant son prénom je n'y parviens pas. Je revois la scène lorsque nous nous sommes croisés dans ma tête. Ça repasse en boucle comme un film qui serait figé sur un moment précis. "Estelle" me répétais-je. "Estelle".... J'essayais de me rappeler si je l'avais croisé au lycée, puis auparavant au collège mais rien ne me revenait. Je décide d'envoyer un message à Jay, mon meilleur ami pour voir si cela lui disait quelque chose. Je saisis mon smartphone et commence à taper mon message :

« Hello Jay, tu vas bien ? Dis-moi, est-ce que tu connais une Estelle, brune aux yeux verts ? C'est assez urgent, merci mon pote. »

Je reçois une réponse quelques secondes après.

« Dan, c'est à toi que je dois poser cette question ? Comment tu te portes ? Ce rendez-vous ce matin ? Alors non, je connais bien une Estelle mais elle est blonde depuis toujours, désolé de ne pas pouvoir t'informer plus. Tu vas revenir en cours ? »

C'était donc bien la première fois que je la rencontrais. Je décide de répondre au message très brièvement. Ces derniers temps j'avais décidé de m'éloigner un peu de lui pour lui éviter une peine trop importante au cas où je devrais partir rapidement...

« Rien de nouveau, merci quand même Jay, à très vite ! ».

Jay et moi, nous nous connaissons depuis la maternelle, il sait tout de moi, même si depuis la maladie j'essaie de le protéger en l'éloignant petit à petit de moi.

Je pose mon téléphone et me mets à réfléchir. Qu'est ce que je pouvais faire ? Estelle était à l'hôpital donc elle avait peut-être un problème. Elle se situait près du service de cancérologie. Elle y allait peut être pour voir sa mère, son père, quelqu'un d'autre ? J'émettais un tas d'hypothèses aussi vraisemblables les unes que les autres et elles étaient vérifiables. Pour en être sûr, je devais me rendre à l'hôpital afin d'obtenir des renseignements. Je regarde l'heure sur mon réveil, il est 21:33. C'est trop tard ... Je dois attendre et espérer passer la nuit.

- Dan ! On mange, tu descends ? La voix de ma mère arrive jusque dans ma chambre.

Je n'ai pas faim mais suite aux directives du médecin je me force et je rejoins tout le monde.

- T'as l'air pensif, plus qu'à l'habitude, je me trompe ? Me dit mon père.

- Oui tu te trompes, il n'y a rien. Répondis-je assez sèchement.

Il se sent mal à l'aise et continue de manger sans me regarder.

- Dan ... Fais un effort s'il-te-plaît, ton père se plie en quatre pour nous nourrir et nous faire vivre, sois respectueux. Commente ma mère.

- Désolé P'pa.

- Ce n'est pas grave ne t'en fais pas. Me lance t-il le regard encore dans son assiette.

Mon père est très bronzé, avec des yeux bleus que j'ai très fièrement récupéré. On dit qu'il a des airs d'Antonio Banderas mais on ne le lui répète pas sinon il en fait des caisses.

Il s'appelle Welling car son père avait des parents américains. Sa mère était espagnole.

Ils ont vécus à Séville très longtemps avant d'emménager ici, à Tours, pour le salaire français et les meilleurs conditions de vie, même si ce n'était pas catastrophique en Espagne.

Il n'est pas très grand, un mètre soixante quinze tout au plus. C'est un fan de football, du FC Séville en particulier. En Espagne c'est presque une religion, mais il adore tout ce qui est sport collectif en général.

- Je dois retourner voir le docteur demain, enfin... si je passe la nuit. Ajoutai-je

- Ne dis pas ça ! Tu sais que j'ai horreur de ça.

Grogne ma mère.

C'est vrai qu'elle n'aime pas quand j'emploie le terme de "passer la nuit". C'est trop brutal pour elle.

- Je dois lui poser des questions. J'irai seul, je partirai en bus. Poursuivis-je.

Sans attendre la fin du repas, je débarrasse mon assiette et m'installe dans le salon, attendant le fameux décompte. Je suis généralement tout le temps ici le soir. Je regarde le portrait de mes grands-parents qui est positionné devant la télé, je me dis qu'il se pourrait que je les rejoigne dès ce soir.

Le temps n'est pas à la discussion. Je n'ai pas envie de parler et ça frustre mes parents. J'attends, c'est tout. La télé m'accompagne et l'heure arrive doucement. Il est 2:59. Je me sens partir... 3:00

...

...

- Trente secondes. C'est mieux qu'hier, je suis tellement content de te voir ouvrir les yeux ... Dit mon père qui tenait ma mère, exténuée, dans ses bras.

À chaque réveil, c'est comme une renaissance et la première chose à laquelle j'ai pensé, c'est Estelle. Une nouvelle source de motivation que je n'avais pas ressenti depuis le début de ma maladie. Demain, j'allais en savoir plus sur elle, j'étais déterminé.

*****

Je me réveille à 8:30.

Je n'ai pas beaucoup dormi mais qu'importe, je suis en forme.

Je me coiffe en mettant mes cheveux en arrière et je m'habille plutôt convenablement cette fois-ci au cas où je croiserai Estelle à l'hôpital puis je prends la direction de l'arrêt de bus. Les rues de Tours commencent à s'activer et les magasins ouvrent leurs portes. Une fois assis dans le car, j'observe la ville par la vitre, songeant à ce qu'aurait pu être ma vie si je n'avais pas eu cette maladie. Ça me fait mal, mais se dire qu'on peut mourir à la fin de chaque journée, c'est quelque chose de terrible que je ne souhaite à personne. La première année à été la plus dure psychologiquement. Je ne dormais quasiment plus. J'avais peur de mourir et après mes pauses je n'arrivais jamais à me rendormir. Je somnolais en classe et j'avais un sommeil irrégulier. Ensuite je m'y suis habitué. Maintenant je n'ai plus peur, c'est surtout pour ma famille que je suis inquiet. Quand je partirai, le vide que je pourrai laisser, tous les efforts qu'ils ont fait et qu'ils font pour moi seraient vains...

J'observe les personnes qui s'activent dehors. Elles vont travailler ou bien elles se promènent. Je me sens différent, presque exclu de la normalité, en même temps je ne suis plus « normal ». Je me suis renfermé, mis à part Jay, personne ne prenait de nouvelles de moi, aussi parce que je ne voulais pas leur en donner il est vrai. L'amitié ce n'est pas mon fort depuis le début de ma maladie. Avant oui... J'étais populaire, je n'avais aucun mal à trouver une petite amie, j'étais blagueur, drôle et attrayant. C'est une autre histoire aujourd'hui. Je n'arrive plus à rire, ni même à penser à des choses positives, du moins c'est ce que je croyais jusqu'à hier...

J'arrive à l'hôpital, prêt à en savoir plus sur cette mystérieuse fille qui m'a redonné goût à la vie en un regard...

Je me dirige vers l'accueil et vais voir la secrétaire qui me connaît bien dorénavant. C'est une jeune femme, aux environs de la trentaine. Blonde aux yeux noisettes, elle est belle comme tout. Elle est marié à un homme depuis quatre ans et a un petit garçon de trois ans. Dans son petit tailleur rouge elle m'aperçoit et me sourit largement.

- Salut Dan ! Que tu es élégant aujourd'hui ! Tu n'as pas rendez-vous d'ailleurs ! Qu'est-ce qui t'amène, dis moi ? Me questionne t-elle avec un large sourire.

- Bonjour Lucie, non je n'ai pas rendez-vous en effet, je ne viens pas pour ça. Je suis là parce que je recherche quelqu'un, une fille plus précisément qui s'appelle Estelle.

- C'est peu comme renseignements pour que je puisse t'aider Dan... Trop peu.

- Je n'ai pourtant que ça ... Elle était là hier, elle attendait à côté du service de cancérologie, elle ...

Je suis subitement coupé par ce que je vois...

Demain est un autre jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant