Chapitre 6 : La maladie de Cor

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Je me réveille, les yeux humides qui collent encore. Je m'étire pour détendre mes muscles et me prélasse quelques minutes encore sous la couette afin d'émerger totalement. Après seulement, je décide de me lever. Il est 9:25, ni trop tard, ni trop tôt. C'est parfait. Je ne me lève jamais au-delà de 10:00, de peur de perdre de précieuses minutes au cas où si c'est mon dernier jour. Je m'extirpe de mon lit avec difficulté tout de même, et je me dirige immédiatement dans la salle de bain. Mon père est déjà parti travailler. J'attends impatiemment de ses nouvelles. J'espère qu'il aura rencontré le père d'Estelle pour lui extirper quelques informations sur sa maladie et sur sa vie en général. De mon côté, j'ose espérer que je vais croiser sa mère à son chevet à l'hôpital.

Je me brosse les dents et après m'être lavé la bouche je me regarde dans le miroir. Je vois un changement qui s'opère. Mes yeux bleus retrouvent de leur vivacité, je me sens mieux, plus serein, plus apte à vivre ma vie, tout ça juste à cause, ou grâce, à un regard d'une fille que je ne connais pas. C'est délirant. Ça n'a pas de sens. J'enfile un t-shirt blanc uni avec par-dessus une veste de costume noire, un jean clair et des chaussures blanches. Je me coiffe soigneusement. Cela fait un long moment que je ne me suis pas habillé comme ça. Je me trouve beau, ça change. J'ignorais que je pouvais encore l'être. Je me parfume avec mon parfum préféré, Play de Givenchy. Je ne l'ai pas mis depuis longtemps. Des souvenirs remontent instantanément. La dernière fois que je l'ai utilisé c'était le jour où je suis parti à l'hôpital en urgence. Après une journée de cours bien rempli, je suis rentré à la maison en bus. J'avais eu une migraine insoutenable depuis le matin et même le Doliprane n'avait été d'aucune utilité. Je rentrais juste et je me suis mis à avoir des vertiges extrêmement puissants au point de me tenir pour ne pas tomber. Je me vois encore appeler ma mère paniqué. « Maman, je ne suis pas bien, viens m'aider maman ! » Je la vois rappliquer en courant en me voyant m'effondrer dans l'entrée de la maison. Après c'est le néant jusqu'à ce que je me réveille à l'hôpital.

Comme quoi une odeur peut vous plonger dans un souvenirs aussi rapidement que vous l'aviez oublié.

Je pars en mangeant un croissant et en embrassant rapidement ma mère. Mia est déjà en cours, je la vois moins en ce moment et ça me gêne, j'ai l'impression de ne pas assez profiter d'elle. C'est dingue ce recul que j'ai acquis sur la vie. La première année, je me souviens que je me plaignais pour absolument tout et je gâchais la vie de tout le monde. Aujourd'hui je profite de chaque minute. Je me fixe un objectif par journée et quand celui-ci est atteint je reste avec mes proches.

L'hôpital se dévoile, j'arrive enfin.

- Salut Lucie ! Dis-je distinctement pour lui rappeler que je viendrai tous les jours s'il le fallait.

- Dan ! Content de te voir ... - elle l'était vraiment. "L'avantage" de ma maladie c'est que les gens sont toujours contents de voir que je suis encore sur cette Terre.

- Ils l'ont transféré au service cardio. Chambre 312. Me dit-elle instinctivement sans que j'ai à poser la moindre question.

- Je peux monter ? Interrogeai-je.

- Vas-y. Mais je ne t'ai rien dit. Souffle t-elle dans un murmure.

- Très bien ! Répondis-je dans le même ton.

Je monte dans l'ascenseur et appuie sur le bouton du troisième étage. Une vieille femme est assise sur une chaise roulante. Le visage jaunit par endroits, elle me fait de la peine. Je pouvais mourir chaque soir mais au final je ne souffrais pas, ce n'était pas son cas...

L'ascenseur s'arrête au deuxième étage, elle s'avance pour sortir, je lui glisse un enthousiaste « bonne journée madame » pour lui donner le sourire. Elle se retourne difficilement et me dit avant que les portes ne se referment :

- C'est gentil mais une bonne journée ne se passe pas dans un hôpital branché de partout. Mais je vous remercie pour votre amabilité jeune homme. Vous, passez une bonne journée, vous pouvez.

Ces dires m'avaient fait froid dans le dos. Elle avait raison, je pouvais passer une bonne journée. Je n'avais pas de douleurs, pas de pépins physiques. Mais en même temps elle avait tort, oui je n'avais pas mal, mais je pouvais très bien mourir avant elle, dès ce soir.

J'arrive au troisième. Les portes de l'ascenseur s'ouvrent. Je prends le couloir de droite et je vois défiler le numéro des chambres. 306-308-310... 312. La porte est entrouverte. J'aperçois une femme assise sur un tabouret à côté du lit. Elle tient la main de la personne allongée. Je m'avance légèrement et je vois Estelle. C'est bien la bonne chambre. Je me recule et je toque trois fois sur la porte pour signaler ma présence. La femme assise se retourne et se lève. Elle avait la taille d'un mannequin, presque le mètre soixante quinze et était encore un peu plus menue que ma mère. Elle avait un visage angélique avec des cheveux châtains assez courts coupés en carré. Estelle lui ressemblait à l'excepté des yeux, ceux de cette femme était marrons.

Elle s'approche de moi d'un pas prudent et me chuchote :

- Bonjour, qui êtes-vous ? Sa voix était si douce, si pure.

- Bonjour Madame, je m'appelle Dan Welling, je viens voir Estelle, vous êtes sa maman ?

- Oui je suis sa mère. Je ne vous ai jamais vu, êtes-vous dans sa classe ? Me demande t-elle méfiante.

- Non, ni dans son lycée. Mais je pense que mon histoire va vous intéresser.

À l'écoute de mes mots, elle me laisse entrer. Je pénètre dans la chambre très monotone d'Estelle. Elle est seule et par conséquent, elle peut dormir tranquille, sans forcément devoir se préoccuper de la personne installée à côté d'elle, ce qui aurait été le cas d'une chambre double.

Je m'installe sur un fauteuil à côté de son lit bleu et blanc, très basique, et très proche du tabouret de madame Nida. J'engage la discussion.

- Nous nous sommes croisés il y a deux jours Estelle et moi, c'était la première fois et c'était ici. Nous nous sommes regardés dans les yeux de longues secondes et de suite j'ai senti une sensation étrange, comme un lien qui nous unissait.

J'ai fait quelques recherches et j'ai vu que nous étions né le même jour de la même année et que nos pères travaillent ensemble dans la même entreprise. De plus ils font le même métier. Si je vous demande si vous avez déjà songé à arrêter votre travail pour rester près de votre fille, que me dites-vous ?

Elle se décompose. Je pense que j'ai touché dans le mille.

- Je vous... Je vous répondrai que si en effet c'était une maladie grave, j'ai pensé à arrêter mon emploi pour veiller sur elle. Là je me suis mis en arrêt pour être près d'elle.  C... Comment savez-vous ça ?

- Madame Nida... Je suis le seul patient atteint de la maladie de Cor. J'ignore si vous avez entendu parler de moi et de cette nouvelle forme de maladie cardiaque. Mais si je suis là c'est parce que je pense que votre fille en est atteinte aussi ...

Demain est un autre jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant