Chapitre 6

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Elle était là, seule à sa fenêtre, une clope à la main. Une roulée de tabac fraîchement allumée, dont elle tirait de longues bouffées tout en se détendant. Les industrielles étaient rapides la semaine, lorsqu'elle était en cours ou dans la rue, mais chez elle, elle avait son paquet de tabac à rouler, un goût plus fort à chaque taffe inspirée. Elle était là, mais elle semblait ailleurs, elle avait l'impression d'être ailleurs. Elle aimait se sentir comme ça, elle aimerait se sentir tout le temps comme ça. Tana planait. Le tabac scintillait à chaque fois qu'elle inspirait de nouveau tout en regardant autour d'elle. Les lumières de la ville brillaient, elle les regardait sans penser à rien. Chaque vision était plus lumineuse que la précédente, sûrement l'effet de la fumée qui a traversé ses poumons et qui commençait a légèrement lui faire tourner la tête. Des toits, des tuiles sur lesquels les rayons de la lune se reflètent. Des arbres, de l'autre coté, dont on a du mal à dessiner et définir les extrémités tant ils se recoupent avec la noirceur de la nuit. Quelques étoiles amènent leur lumière douce à ce tableau si sombre et pourtant si apaisant. Cette sensation de vide continue de l'envahir, sa tête semble ne plus tenir sur ses épaules, son corps s'alourdit, ses jambes la porte sans plus s'en rendre compte, et ses yeux scrutent le moindre détail qui capte son attention. Elle se dit que l'effet d'une roulée était vraiment reposant, elle oubliait tout, et Tana aurait voulu s'endormir là sans plus jamais se réveiller.

Elle partie se rassoir sur le canapé en titubant légèrement, les espaces tournaient, les meubles penchaient et le centre de gravité qui la rattachait au sol semblait se déplacer. Une fois posée, elle repris son paquet de filtre, en glissa un entre ses lèvres puis le referma. Même geste avec le paquet de tabac, elle pris une feuille à rouler et y étala un peu de Camel avant de lécher le bord pour la refermer entre ses doigts. Une deuxième. Elle ne voulait plus que cette sensation la quitte. Elle se releva lentement, pour retourner à son petit coin de tranquillité, son petit coin de solitude totale.

Elle repensait à toute sa vie, à ce qui l'avait amené à fumer, à faire des soirées, à vouloir s'oublier. Pendant les soirées qu'elle faisait, Tana buvait, fumait, de temps en temps un petit joint, ça dépendait qui elle croisait comme nouveau visage ces soirs là, mais principalement ses roulées qui lui étaient suffisantes. Ses pauses cigarettes, étaient entrecoupés de vodka-sprite, teq-paf et elle ne sentait l'alcool monter que trop tard pour s'arrêter et ne pas être dans le mal. Mais c'est ce qu'elle aimait, être dans le mal, peut-être était tout ce qu'elle méritait, ce mal de crâne et de ventre au réveil comme pour lui dire : « On t'a laissé t'évader hier soir, tu as été absente un moment, mais tu es toujours parmi nous. ». Elle avait l'impression de se reconstruire en se détruisant. Plus rien ne l'atteignait, pas d'amis fixes, enfin quelques uns dont elle savait qu'elle n'aurait plus de nouvelles après ces études, pas de famille, pas de copain... Et tant mieux. Sa vie personnelle était une catastrophe, et sa vie amoureuse était encore bien pire. Tana se concentrait sur une seule chose : son futur métier qui lui ferait gagner de l'argent. Une fois sa deuxième roulée de Camel terminée, elle l'écrasa et la jeta dans son cendrier, une simple boite de chewing-gum vide fait très bien l'affaire. La télé était déjà allumée, un bruit de fond qui comblait le silence de l'appartement qui prenait place entre ceux de clés et de portes qui claquent lorsque les voisins rentrent et sortent de chez eux. Tana retira son écharpe et sa veste, se posa sur le canapé et se mit sous le plaid tout chaud et doux.

Pub. Comme à son habitude, elle coupe le film et c'est agaçant. La main autour du coup, Tana touchait la perle de son collier en repensant à tout ce que Mme. Mozenime lui a dit. Devait-elle y croire ? La situation était vraiment très étrange, elle se prenait elle-même pour une dingue si elle se mettait un instant à croire à ses histoires tout droit sortie d'un script. Elle se concentra, elle eu envie de réessayer, au cas où. Elle fixa son briquet posé sur la table. Les pubs s'enchainaient, le regard immobile, tout son corps ne bougeait plus mais ça ne servait à rien, sa patience légendaire la gagnait. Elle leva les yeux en soufflant et en se parlant à elle-même et abandonna une fois de plus. Le film reprit de toute façon, elle avait autre chose à faire. Elle pensait à tout autre chose pendant l'heure qui restait et était scotchée devant sa télévision. Un film avec d'action, comme elle les aime. Non pas les trucs romantiques, nunuches et cucul à souhait, les histoires d'amour c'était déjà trop pour Tana. Elle préférait de loin la science-fiction et le fantastique, ce qui la faisait rêvé et s'imaginer une autre vie, pleine de péripéties telle une espionne de grande envergure, ou une pilote au volant de son véhicule qui fonce sur les routes et vie au jour le jour sans se soucier de rien. Mais sa vie ne ressemblait qu'à cela la nuit, dans ses rêves les plus fous. Car si Tana devait définir la nuit, ce serait « le seul endroit où l'on peut faire ce que l'on veut, où notre vie est ce que l'on souhaite, où la seule limite, est l'imagination ».

Une fois le film terminé, Tana éteint la télé ainsi que la lumière qu'elle avait laissé dans la cuisine, puis alla se coucher.

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La division.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant