Chapitre 8

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Lucas et Tana continuèrent de s'exercer dans la maison Pellino pendant les jours suivants. Ils s'y retrouvaient après les cours, le week-end, ils passaient à vrai dire tout leur temps libre ensemble. Lucas souhaitait qu'elle sache exactement déclencher son pouvoir de télékinésie lorsqu'elle le souhaite et comme elle l'entend. Les séances qui suivirent étaient faites pour qu'elle déplace des objets de plus en plus petits, de plus en plus lourd, non pas qu'elle puisse déplacer une voiture mais au moins une chaise. Elle apprenait également à les déporter plus à droite ou à gauche, à l'endroit où elle l'imaginait. Il ne suffisait pas de mouvoir les objets mais il fallait les amener là où on voulait qu'ils aillent ce qui n'était pas une mince affaire. Une fois ses choses généralement acquise il restait un point que Lucas désirait voir réaliser Tana.

« - On va essayer une nouvelle facette de la télékinésie maintenant. J'aimerais que tu tentes de simplement faire léviter cette boîte.

- Simplement ? T'as un peu trop d'espoir toi. J'ai mis deux semaines à mettre en mouvement des objets sur quelques centimètres et là tu veux que je les fasses voler en 10 minutes.

- Je sais que tu peux le faire, faut juste que tu trouve le truc. Ton pouvoir ce n'est pas simplement emmener un verre d'eau du coin d'une table à un autre.

- Ok je vais essayer. »

Tana commençait à faire de plus en plus confiance à Lucas, ce qui n'était pas une chose facile pour elle qui se méfiait de tout et tout le monde. Quand elle était avec lui ça lui changeait les idées, elle se focalisait sur autre chose qu'elle-même, elle ne passait plus tout son temps à s'examiner dans sa moindre réaction et action et se lamenter en attendant son heure, elle avait un autre objectif grâce à lui. D'ailleurs ça faisait un moment qu'elle n'avait pas eu le besoin de fumer.

Elle n'arrivait à exécuter ce que Lucas lui demandait, elle ne faisait que bouger simplement la boite de biscuit comme elle en a l'habitude, c'est-à-dire lorsque celle-ci touchait la surface plane et ne la traversait que latéralement. C'était samedi, il était 16h09, Tana avait bien envie de se prendre un petit goûter. A défaut de réussir à lever cette boite de gâteaux secs, elle en mangerait bien un peu, et Lucas aussi. Ils se préparèrent respectivement un thé et un café et retournèrent se poser dans le salon.

« - Tu fais comme chez toi maintenant tu vois. Dit Lucas.

- Comme tu l'as dit on est des personnes civilisées, s'il y a juste un peu de vaisselle à faire après une pause méritée, je peux me sentir à l'aise.

- Ah donc tu es une femme d'intérieur ? »

Tana le regarda d'un air désespéré. Oui elle aimait faire la cuisine, garder propre son petit intérieur et un peu de vaisselle ne lui était pas désagréable, ça n'en faisait pas pour autant une femme au foyer, future mariée à un macho. Elle le pris cependant avec humour, elle savait bien que Lucas n'était pas le genre à suivre les stéréotypes. Comme on dit on peut rire de tout mais pas avec tout le monde, mais avec Lucas en l'occurrence ils pouvaient rire de pas mal de sujets. Ils riaient tous les deux de cette question rhétorique et burent leur boisson chaude. Tana sentait couler dans sa gorge à chaque prise, un liquide chaud et sucré qui lui faisait du bien. Elle adorait sentir cette chaleur la traverser, pas assez intense pour la brûler mais juste bien pour la revigorer tout entière. Elle plaquait ses mains sur la tasse pour les réchauffer, elles qui étaient toujours glacées. Blottie dans le canapé, jambes pliées, elle trempait son gâteau dans sa boisson avant de le manger.

« - Tana, je peux te poser une question ?

- Oui bien sûr. Dit elle en finissant sa bouchée et reprenant une gorgée de thé.

- Qui es-tu ? »

Tana manqua de s'étouffa et de recracher l'eau chaude qu'elle était en train d'avaler quand elle entendit la question que Lucas lui posait. Elle ne savait pas si elle riait de la question ou si c'était nerveux car elle ne savait pas quoi répondre. Elle-même ne connaissait le but de son existence, ni qui elle était. La voyant un peu perturbée, Lucas reformula son interrogation.

« - Je te taquine. T'as qu'à me dire simplement pourquoi est-ce que tu as décidé de faire des études de psychologie?

- Je sais pas trop, j'ai toujours aimé écouter les gens parler de leurs histoires, de leurs problèmes. Je me sentais utile en donnant des conseils en faisant preuve de compassion et de compréhension, peut-être mes seules qualités. Le comportement humain me fascine, nous ne réagissons pas tous pareil aux mêmes circonstances, c'est intéressant de savoir ce qui fait cette différence, de confronter les réactions en fonction la situation actuelle de la personne, de son milieu, de son passé. Je passe moi-même mon temps à m'analyser sans cesse, à essayer de savoir pourquoi je suis comme je suis et pas autrement, pourquoi j'ai l'impression que ma vie est si merdique alors qu'il y a des gens qui ont beaucoup moins que moi et beaucoup plus de raison de se plaindre. En fait je crois que je veux aider les autres en devant psychologue ou psychiatre, qu'ils ne finissent pas comme moi.

- A t'écouter on dirait que tu es complètement perdue. Et que tu fais ses études pour toi peut-être plus que pour les autres.

- Oui.. Des fois je me demande. C'est marrant mais la conversation qu'on a s'accompagnerait plus d'alcool que de boisson chaude. Dit-elle avec humour.

- C'est vrai que ça fait pas très joyeux comme discours. Et sinon tu viens d'où ? Tu as de la famille ? Je suppose que tu n'es pas née dans ton appartement.

- Je..

Tana se mit à hésiter quant à répondre à cette question.

« - Oui.. Oui j'ai une famille, elle habite ailleurs. A Paris en fait. J'ai eu besoin de partir à ma majorité une fois mon bac en poche et donc je suis venue ici.

- Tu as l'air troublée, tu es sûre que ça va ?

- Oui oui, ne t'en fais pas, mais je n'ai pas l'habitude de parler de moi. Et toi tu as une famille je suppose ?

- Evidemment, mais ils sont ailleurs aussi. Je t'y emmènerais. Dis moi j'ai encore une question à te poser.

- Et bien, je suis intéressante apparemment.

- Bien sûr que tu l'es. Je sais que je t'ai déjà demandé mais... Est-ce qu'avant la rentrée, bien avant, dans ta jeunesse je parle, tu te souviens avoir fait usage, même sans te rendre compte à l'époque que c'était ça, de ton pouvoir ?

- Non à part il y a trois semaines il ne m'était jamais rien arrivé. Le problème c'est que... Je ne me souviens pas de ma jeunesse.

- Comment ça ? Je ne te parle pas de quand tu avais 4 ans évidemment ce serait des souvenirs trop lointains mais..

- Je ne me rappelle de rien avant l'année de mes 16 ans. L'interrompt-elle. »

Lucas resta bouche-bée. Il ne s'attendait pas à ça. Il ne connaissait pas grand-chose de Tana et cette révélation soulevait encore plus de question qu'avant. Que s'était-il passé pour que Tana ne se souvienne de rien de puis cette année là ? Est-ce que son mal-être avait un rapport avec cet évènement ce qui l'a conduite à s'éloigner de sa famille? Il lui fallait obtenir des réponses avant qu'on ne les lui demande une fois à Garavelle et qu'il ne puisse y répondre. Cette fois Lucas avait sentit une force qui l'avait amené à Bordeaux, mais le cas de Tana était particulier et il lui faudrait l'accompagner et l'aider bien plus que toutes les personnes qu'il avait rencontrées jusque là.

La division.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant